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Libye : Des provocations d'un ministre italien à l'explosion de rage
Vendredi 17 février et les jours suivants, c'est à Benghazi, en Libye, que les manifestations contre les caricatures de Mahomet se sont poursuivies. Mais, cette fois, elles ont pris le caractère d'une véritable explosion de mécontentement de la population, s'en prenant aux institutions italiennes de la ville, mais aussi à des symboles du pouvoir libyen lui-même.
Dans une ville en proie à la pauvreté, où régnait depuis des jours une situation sociale tendue, où existent de nombreux groupes islamistes opposants au régime du colonel Kadhafi dont la politique a récemment pris un virage pro-occidental, ce sont les provocations imbéciles d'un ministre du gouvernement italien de Berlusconi qui ont mis le feu aux poudres.
Roberto Calderoli, ministre de la Ligue du Nord, ce parti raciste et xénophobe qui prône la sécession de l'Italie du Nord, riche, du reste du pays qui l'est moins, aime bien se mettre en vedette par des déclarations douteuses. On lui doit des déclarations comparant le sud de l'Italie à "la gangrène" ou parlant de "colonisation méridionale" à propos des enseignants et des chefs de gare venus du sud. Dans la même veine, il a proposé la castration chimique des pédophiles, voire "un bon coup de ciseaux", reproché à la gauche "sa politique permissive à l'égard des musulmans et des homosexuels" et d'avoir fait de l'Italie "une réserve d'Albanais", parlé de "son petit cochon qui fait pipi sur la mosquée"... et l'on en passe. Enfin il a parlé d'une journaliste d'origine palestinienne en l'appelant avec mépris "cette dame bronzée".
Cet amateur de propos graveleux, qui n'en était pas moins ministre des Réformes institutionnelles, s'est donc livré le 15 février sur une chaîne de télévision italienne à une de ses mises en scène habituelles. Après avoir proclamé pendant plusieurs jours qu'il portait un T-shirt reproduisant les caricatures de Mahomet, il a défait sa chemise en direct pour faire voir celles-ci. Mais, les affaires de l'Italie -et même la télévision- étant encore assez suivies dans son ex-colonie, la Libye, c'est ce qui a déclenché les émeutes de Benghazi.
Le 17 février, ce sont donc des milliers de manifestants qui s'en sont pris au consulat italien de la ville, défendu par la police libyenne. Celle-ci, perdant visiblement le contrôle de la situation, a tiré sur la foule, faisant officiellement onze morts et vingt-cinq blessés. La colère latente s'est alors dirigée également contre les autorités libyennes.
Ainsi, les 18 et 19 février, ce n'est pas seulement le consulat italien de la ville qui a été saccagé et incendié, mais aussi des édifices officiels, l'hôpital et le siège de la Sécurité sociale, dans une situation que visiblement les autorités locales ne contrôlaient plus.
Les intérêts italiens sont importants en Libye, qui est le principal fournisseur d'hydrocarbures du pays. Berlusconi a donc dû se débarrasser en urgence d'un ministre qui se montrait prêt à continuer des déclarations dans le même esprit et qui, se vantant de ne pas lire les journaux, paraissait surpris de l'effet de ses propos.
Ce que montrent les faits de Benghazi, c'est que dans bien des pays musulmans le ressentiment accumulé à l'égard de la politique occidentale est près d'exploser, à partir de ce prétexte ou d'un autre. Les raisons abondent pour cela, de la spoliation effectuée par les compagnies occidentales à la politique israélienne en Palestine, de l'occupation américaine en Irak aux tortures d'Abou Ghraïb, de la pauvreté qui s'étend, à la richesse provocante d'une minorité travaillant avec les compagnies impérialistes, et à la morgue des régimes arabes à l'égard de leur population.
Des groupes islamistes peuvent agiter la question des caricatures de Mahomet et souffler sur la braise, les propos d'un ministre irresponsable peuvent l'allumer. Mais, à partir de ce prétexte ou d'un autre, c'est peut-être une véritable explosion que la politique des pays impérialistes finira par provoquer.