Georges Frêche injurie des harkis : Le PS... et sa tradition coloniale16/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1959.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Georges Frêche injurie des harkis : Le PS... et sa tradition coloniale

Samedi 11 février, Georges Frêche, président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon, membre de la direction du PS, a traité un groupe de harkis de «sous-hommes», leur reprochant d'aller «lécher les bottes des gaullistes» qui les avaient massacrés en Algérie.

Les harkis sont ces troupes d'Algériens musulmans, créées en 1956 par le socialiste Robert Lacoste pour aider l'armée française dans la répression contre le peuple algérien. À cette époque, après l'indépendance de l'Indochine, les dirigeants français savaient que l'Algérie arriverait tôt ou tard à l'indépendance. Les harkis étaient donc sacrifiés d'avance dans une guerre perdue. En 1962, l'armée française, alors placée sous l'autorité de De Gaulle, abandonna en toute connaissance de cause de nombreux harkis et leurs familles, dont beaucoup furent massacrés par les nationalistes algériens. Quant à ceux qui purent gagner la France, ils n'eurent pour remerciements que les camps de regroupement et le mépris général.

Ce sont ces harkis, ou leurs descendants, que Frêche a injuriés. Devant ce flot d'ordures inhabituel, même de la part de Frêche, la direction du PS a déclaré par la bouche de son porte-parole: «Il faut replacer ces paroles dans leur contexte local.» Mais le contexte «local» n'est pas plus reluisant que le texte lui-même. En Languedoc-Roussillon, la droite et la gauche, emmenée par Frêche, se disputent les voix des familles des rapatriés d'Algérie et des harkis, nombreux dans cette région, en faisant de la surenchère dans la nostalgie colonialiste. La plupart des députés locaux soutiennent l'article de loi vantant le passé colonial de la France, Frêche lui-même ayant traité de «gugusses» ceux qui, au PS, souhaitaient son abrogation. Il soutient de ses deniers, ou plutôt de ceux des contribuables de Montpellier et de la région, les associations de rapatriés d'Algérie. On l'a même vu entonner en choeur avec les élus du Front National un chant des troupes coloniales, en plein Conseil régional.

Alors il ne reproche pas aux harkis le fait d'avoir assisté à une manifestation publique glorifiant le passé colonial de la France en Algérie, mais le fait que cette manifestation ait été organisée par la droite! Il veut avoir l'exclusivité politique de l'amour de l'Algérie française et de la supposée rente électorale que constitue son souvenir.

Cette politique locale de Frêche semble contredire la politique nationale d'un PS qui essaie de passer pour un parti anticolonialiste de toujours, et tente de faire oublier le sale rôle que les gouvernements et les politiciens socialistes ont joué dans la guerre d'Algérie. Mais la direction du PS ne va pas jusqu'à le désavouer formellement.

En effet, le poids politique de Frêche, son implantation depuis trente ans à Montpellier représentent un appui important pour qui veut diriger le Parti Socialiste ou être son candidat à l'élection présidentielle. Et puis, en fait, Frêche représente une tradition bien ancrée au PS: celle des roitelets que le parti laisse maîtres chez eux quoi qu'ils y fassent, pour peu qu'ils conservent l'étiquette. Gaston Defferre a ainsi régné pendant des dizaines d'années sur Marseille et la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône avec des méthodes toutes personnelles, comme celle de s'appuyer sur les truands du clan Guérini.

Quant à l'Algérie française et, plus généralement, à la défense des colonies, c'est aussi en fait une des traditions du Parti Socialiste. Les gouvernements socialistes ont contribué à maintenir «l'Empire français» tant qu'il a existé. C'est du PS que sont issus plusieurs résidents généraux, sortes de gouverneurs coloniaux, dont le tristement célèbre Robert Lacoste qui gouverna main dans la main avec Bigeard et Massu pendant la guerre d'Algérie.

Pour le clientélisme régional, comme pour la référence à l'Algérie française, Frêche ne fait que suivre ses prédécesseurs socialistes et, notamment, le plus connu d'entre eux, François Mitterrand, l'homme de la formule «la seule négociation, c'est la guerre».

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