Chantiers de l’Atlantique – Saint-Nazaire : Surexploitation de travailleurs polonais16/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1959.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chantiers de l’Atlantique – Saint-Nazaire : Surexploitation de travailleurs polonais

Jeudi 9 février, toutes les inspections du travail de Loire-Atlantique ont fermé leurs portes, mobilisant l'ensemble des inspecteurs et contrôleurs du travail du département pour une opération «coup de poing» sur le paquebot «Musica» en construction. En effet, fin janvier, des ouvriers polonais peintres et caréneurs sous-traitants aux Chantiers de l'Atlantique avaient contacté la CGT pour dénoncer leurs conditions de travail, de salaire et d'hébergement.

C'est au bas mot la sixièmefois en trois ans que des travailleurs étrangers entrent en lutte et dénoncent publiquement la surexploitation dont ils sont victimes sur le site des Chantiers navals de Saint-Nazaire. Le même scénario se répète avec quelques variantes: des entreprises («prestataires de services») de ces pays prennent en sous-traitance de deuxième ou troisième rang une partie des travaux. Quand il ne s'agit pas tout simplement de salaires impayés pendant des mois, les raisons de la colère sont à chaque fois des taux horaires autour de 5euros (sur une base 35heures), des journées de travail à rallonge sans paiement des heures supplémentaires, aucune prime de déplacement, l'absence de bulletin de salaire, la surveillance étroite des travailleurs et les menaces contre les contestataires.

Chaque fois, la direction des Chantiers de l'Atlantique, qui finalement utilise le travail sous-payé de ces ouvriers, oscille entre le silence et de vagues déclarations compatissantes lorsque la ténacité des travailleurs en lutte et leurs succès rendent impossible de nier les faits. Mais se défaussant sur le sous-traitant intermédiaire de premier rang (qu'elle a elle-même choisi et à qui elle a parfois elle-même fourni le contact avec le sous-traitant de deuxièmeou troisièmerang) elle joue la vertu outragée et s'en sort indemne, prête à recommencer et à se servir de cette concurrence entre travailleurs pour tirer encore plus vers le bas les conditions de travail et de salaire des ouvriers de la région de Saint-Nazaire, massivement touchés par le chômage.

Si les luttes précédentes ont heureusement permis aux travailleurs étrangers de récupérer tout ou partie des sommes qui leur étaient dues, cela se termine invariablement par leur rapatriement et leur remplacement par d'autres poussés par la misère (ces derniers temps plus particulièrement originaires de Pologne). Mais pour toutes ces situations où le courage et la détermination de certains travailleurs ont permis qu'elles éclatent publiquement, combien restent ignorées?

Cette fois-ci, les ouvriers polonais sous-traitants de DOS (entreprise allemande elle-même sous-traitante des Chantiers de l'Atlantique), en plus de leurs conditions de travail et de salaire, ont voulu protester contre leurs conditions de logement particulièrement insalubres. Après diffusion à la télévision régionale de photos des taudis qu'ils occupaient, ils ont obtenu d'être rapidement relogés.

Mais la direction de DOS, ayant obtenu la rétractation publique des deux travailleurs les plus en avant (et que l'inspection du travail avait convoqués), les a immédiatement rapatriés en Pologne où ils continuent à subir de fortes pressions. Sous la menace, ceux qui restent préfèrent pour le moment se taire.

Dans ces conditions, la direction d'Alstom-Chantiers de l'Atlantique (en plein processus de rachat par le norvégien Aker) n'hésite pas à passer au cran supérieur en accusant ces ouvriers polonais d'être manipulés par une CGT qui aurait été en mal de coup médiatique à la veille de la manifestation antidirective Bolkestein!

C'est dans ce contexte qu'est intervenue l'opération coup-de-poing des 35inspecteurs et contrôleurs du travail sur un des paquebots en construction sur le site. La DDTE (Direction départementale du Travail et de l'Emploi) a annoncé que les résultats de ce contrôle nécessitent des vérifications et ne seront pas connus avant plusieurs semaines. Alors, que signifie cette intervention «coup-de-poing» organisée par le ministère du Travail qui a délivré à chacune des entreprises concernées les autorisations légales et qui après le sixième cas avéré les laisse continuer leurs affaires en toute impunité?

Bien sûr, les moyens de l'inspection du travail sont insuffisants pour faire respecter un tant soit peu au quotidien la législation du travail sur le site.

Mais l'ampleur des fraudes est telle que cette opération spectaculaire risque de s'avérer impuissante face aux réseaux dont les fils convergent dans la main des grands groupes capitalistes, parmi lesquels Alstom tient une bonne place, à Saint-Nazaire comme à la centrale EDF de Porcheville.

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