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Dans le monde
Allemagne : Grève dans les services publics
Depuis le 6 février, une grève des travailleurs des services publics allemands a été déclenchée dans le Land de Bade-Würtemberg, par le syndicat Ver.di (syndicat unifié des prestataires de services). Des milliers de manifestants ont proclamé: «Les 38 heures et demie ou la grève!». Une semaine plus tard, le mouvement s'était étendu à sept autres États jusqu'à toucher des milliers de salariés, 22000 selon le syndicat, essentiellement dans les services de ramassage des ordures, les hôpitaux, les crèches et les jardins d'enfants.
Depuis quatorze ans, l'Allemagne n'avait pas connu de véritable grève des services publics. Même si l'enjeu, pour les dirigeants de Ver.di, est de parvenir à négocier un futur accord avec les employeurs, selon les méthodes habituelles du «syndicalisme de concertation» en usage depuis des décennies en Allemagne, l'ampleur de la mobilisation est visible dans la plus grande partie de l'Ouest du pays et en Saxe, dans l'Est. Ver.di, comme les autres syndicats de branche, perd des adhérents: 5% par an. L'organisation de ce mouvement pourrait lui permettre également de refaire le plein de membres, dans un contexte social où les attaques contre les salariés continuent avec le gouvernement de coalition d'Angela Merkel tout comme sous Gerhardt Schröder. Entre autres attaques, l'augmentation de trois points du taux de la TVA au début de 2007, l'élévation progressive de l'âge de la retraite de 65 ans actuellement jusqu'à 67, la chasse aux chômeurs de longue durée et l'allongement de la durée du travail hebdomadaire des fonctionnaires de l'État fédéral.
Après ces derniers, c'est aux employés des services publics des Länder et des communes de subir la même menace. Les grévistes protestent donc contre le projet d'allongement du temps de travail hebdomadaire de 38,5 heures à 40 heures, sans l'ombre d'une augmentation de salaire. Cette augmentation se traduirait par deux semaines de travail gratuit par an. Pour les employeurs, communes et États, il ne s'agirait, selon la déclaration provocante d'un officiel, que de dix-huit minutes de travail supplémentaire par jour!
De plus, alors que le chômage touche plus de cinq millions de travailleurs dans le pays, cette augmentation d'horaire représenterait, selon le syndicat, 7000 postes en moins dans le seul Land du Bade-Würtemberg, 200000 à 250000 au total. Les services publics représentant 4,7 millions d'emplois, dont seulement 1,7 million de fonctionnaires -privés du droit de grève-, l'économie réalisée par les employeurs, communes et Länder, serait d'importance, si le projet était appliqué. Le mauvais état des finances régionales est d'ailleurs une des raisons invoquées à l'appui de la mesure envisagée à l'encontre des travailleurs des services publics. Le conflit porte d'ailleurs également sur l'intention affichée par les États régionaux de réduire ou même supprimer les primes de Noël ou de vacances, imitant là aussi l'État fédéral qui a déjà lancé le mouvement de régression contre ses agents. Ver.di propose, de son côté, un accord unifiant le temps de travail des agents des services publics à 39 heures, à l'Ouest comme dans les anciens Länder de l'Est où il est actuellement à 40heures.
Certains responsables communaux, comme à Mannheim, dénoncent le risque que le non-ramassage des ordures fait courir à la ville en matière d'hygiène. Mais la solution évoquée reste de faire appel à des entreprises privées de collecte des déchets. À Fribourg, des intérimaires ont déjà été recrutés. En Rhénanie du Nord-Westphalie, aux 2000 grévistes recensés dans les six centres hospitaliers universitaires qui réclament, en plus du maintien des 38,5 heures, une augmentation du salaire mensuel de 50 euros, les employeurs ont déjà objecté qu'ils mettaient l'emploi en danger.
Dans ce contexte, il faut signaler un autre mouvement: la grève des ouvriers de l'usine d'électroménager AEG de Nuremberg, commencée depuis trois semaines contre les projets de fermeture du site.
La riposte du monde du travail est plus que jamais nécessaire et le mouvement des employés des services publics est une réponse bienvenue à l'offensive générale du gouvernement et du patronat, qui touche tous les travailleurs du pays.