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Il y a 40 ans,la catastrophe de Feyzin
Il y a 40 ans, à la raffinerie de Feyzin, au sud de Lyon, un accident suivi d'un incendie faisait 18 morts, dont 11 pompiers, et une centaine de blessés, certains très gravement. La raffinerie UGP (Union Générale des Pétroles), entreprise d'État, devenue Elf l'année suivante, avait démarré deux ans auparavant. Un livre de souvenirs, retraçant les événements, le procès et regroupant des témoignages, montre à quel point cet accident n'était pas une fatalité (1).
Le mardi 4 janvier 1966 à 6h40, trois salariés de la raffinerie effectuaient, au-dessous de la sphère 443 de stockage de propane liquide, une purge pour effectuer une prise d'échantillon. Suite à une mauvaise manoeuvre et un incident, la vanne ne put être refermée, ni par eux ni par les pompiers de la raffinerie, et le gaz se répandit sous les sphères voisines et vers l'autoroute qui longe la raffinerie.
L'alerte fut donnée de fermer les routes et autoroute, mais la voiture d'un travailleur d'une entreprise sous-traitante échappa aux barrages et, calée dans le nuage de gaz sur la route parallèle à l'autoroute, elle déclencha l'incendie. Le feu remonta jusqu'à la sphère.
Les pompiers arrivèrent de Lyon, puis de toute la région. Ne pouvant éteindre la sphère 443, ils essayèrent au moins de protéger les autres en les refroidissant, en vain. Sur les huit sphères de stockage de propane et butane, trois seulement furent épargnées, grâce au changement d'orientation du vent.
La sphère 443 explosa moins de deux heures après avoir pris feu: le métal surchauffé n'ayant pas résisté, elle s'ouvrit et une mer de flammes engloutit les personnes présentes dans un rayon de 150m. Un champignon de feu et de fumée s'éleva à 600 m de hauteur, pendant des heures. Onze personnes furent tuées sur le coup, et six autres moururent quelques jours plus tard, ainsi que le conducteur de la voiture. Il y eut 12 brûlés graves et 77 blessés. Les quatre autres sphères explosèrent les unes après les autres.
La première explosion secoua fortement les habitations du quartier des Razes, situé en face de la raffinerie, de l'autre côté de l'autoroute, brisant les vitres, arrachant les portes et fenêtres, abattant les cloisons, fissurant les murs. Certains habitants commencèrent à fuir et, après la deuxième explosion, la police fit évacuer le quartier.
Le procès, quatre ans plus tard, mit en évidence le manque d'intérêt de la direction de la raffinerie pour la sécurité, comptant sur le modernisme de l'usine pour qu'il n'y ait pas d'accident. Les salariés étaient mal informés des règles de sécurité à respecter lors des manipulations, bien que deux incidents soient déjà survenus lors de la même manoeuvre. Les moyens de secours internes étaient insuffisants en personnel, mais aussi en matériel: le réseau hydraulique insuffisant n'avait pas permis une pression d'eau suffisante, en particulier pour refroidir suffisamment la sphère 443. Le camion parti pomper l'eau dans le canal de fuite, à 300 m, s'était embourbé et il avait fallu abattre une clôture à la pelleteuse. Il y avait peu de communication entre la raffinerie et les pompiers lyonnais, aucun plan de lutte contre l'incendie et des erreurs stratégiques ont été commises.
Après l'accident, la raffinerie a rapidement repris ses activités, l'usine de production n'ayant pas été touchée, et elle a poursuivi son extension. Des leçons ont été tirées dans le domaine de la sécurité et de la conduite à tenir en cas d'accident.
Mais après l'accident d'AZF-Toulouse en 2001, les craintes se sont ravivées. Aussi à Feyzin, la raffinerie et les usines chimiques voisines ont fait en 2003 un effort de communication en organisant des réunions dans toutes les communes concernées par les risques. Mais le discours des dirigeants des entreprises de la chimie a été d'affirmer que tout était fait pour une sécurité maximale... ce que les salariés de ces entreprises sont loin de penser!
En effet, partout, des économies sont faites sur la maintenance et sur la sécurité. À la raffinerie de Feyzin elle-même, le préfet avait imposé, après 1966, l'existence de 36 pompiers permanents, travaillant en équipe. Mais en 1998, un nouveau décret préfectoral a autorisé une diminution considérable de leur nombre, en le compensant par le nombre d'" intervenants de sécurité", ce qui n'est pas équivalent au niveau de la compétence et des délais d'intervention car ces intervenants sont à un poste de travail. Pour augmenter encore ses bénéfices, pourtant records, Total n'hésite pas à mettre en danger la vie de ses salariés et de ses riverains.
Correspondant LO
(1) Feyzin - Mémoires d'une catastrophe - Éditions Lieux Dits.