Fonderies du Poitou - Ingrandes (Vienne) : Une ligne dédiée à la délation!18/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1955.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Fonderies du Poitou - Ingrandes (Vienne) : Une ligne dédiée à la délation!

En 2002, peu après que les scandales financiers Enron et Worldcom ont défrayé la chronique aux États-Unis, le Congrès américain a voté une loi dite "Sarbanes-Oxley", du nom de ses promoteurs.

Prétendant empêcher le renouvellement de tels scandales, et pour "redonner confiance aux investisseurs", cette loi dite de "sécurité financière" prévoit que les entreprises cotées en Bourse aux États-Unis doivent certifier leurs comptes auprès de l'organisme officiel de régulation des marchés financiers, la Securities and Exchanges Commission. Et comme les fraudes commises par les dirigeants des entreprises en question n'ont pas seulement ruiné des dizaines de milliers de salariés et de retraités, mais qu'elles ont aussi lésé des actionnaires, la loi donne à ceux des salariés qui pourraient avoir vent de malversations la possibilité d'en informer anonymement les organismes de vérification, en principe indépendants, que les entreprises sont tenues de mettre en place.

Entrée en application en 2004, la loi Sarbanes-Oxley commence à faire parler d'elle en Europe, du fait qu'un certain nombre d'entreprises liées à des groupes américains tentent d'en mettre en oeuvre au moins certains aspects. Ainsi en est-il à la Fonderie du Poitou Aluminium, entreprise du groupe Teksid Aluminium qui est lui-même la propriété du fonds d'investissement américain Questor.

En décembre, nous avons reçu avec la feuille de paye un curieux courrier signé du PDG de Teksid Aluminium nous informant qu'à compter de janvier 2006 une ligne téléphonique gratuite "dédiée aux alertes" allait être mise en place, grâce à laquelle chaque employé témoin de "toute conduite impliquant une comptabilité, un contrôle de gestion ou des affaires d'audit douteux, une violation de l'éthique d'entreprise ou des conditions légales ou réglementaires pourra enregistrer son message anonyme dans sa langue maternelle sur une boîte vocale... Chaque message sera traduit et écouté attentivement par le directeur d'audit et par l'avocat-conseil afin de l'examiner avec soin et de vérifier son exactitude".

Comme c'était particulièrement abscons, et qu'on invitait à parler dans leur langue maternelle des salariés qui, dans les usines françaises du groupe, parlent tous la langue française quand bien même ils sont natifs d'Afrique, d'Asie, ou même du Poitou ou du Bas-Berry, nous avons bien vu qu'il s'agissait de la transcription hâtive de pratiques nord-américaines. Mais comme la lettre du PDG se concluait par l'invitation à utiliser également les lignes téléphoniques directes, l'e-mail, la lettre confidentielle ou la lettre anonyme adressés à lui-même ou au directeur des Ressources humaines pour dénoncer toutes les déviances sus-mentionnées, nous n'avons pas pris la proposition des patrons pour l'instauration d'un droit nouveau de regard sur leur gestion...

Des scandales, nous pourrions en dénoncer. Comme le "trafic" de fonderies entre Renault, dont nous dépendions jusqu'en 1999, et Fiat, dont nous sommes alors devenus filiale, le rachat de la Fonderie Aluminium en 2002 par un fonds d'investissement dont l'unique objectif est d'accroître suffisamment l'exploitation pour pouvoir nous revendre aussi vite que possible en réalisant un "coup". Ou encore en 2003 le rachat pour d'obscures raisons de la fonderie portugaise Funfrap par la Fonderie du Poitou-Fonte filiale du même groupe que Funfrap. Mais ce n'est pas cela que les patrons et les actionnaires veulent éclairer, puisqu'au contraire ils tirent le plus grand profit du secret des affaires.

Où commence et où finit la violation des conditions "légales ou réglementaires"? Aux fonderies, nous sommes d'autant plus méfiants face aux demandes des patrons que ces derniers mois, ils n'ont pas hésité à solliciter et à utiliser des dénonciations anonymes pour tenter de licencier un délégué de l'Aluminium que de soi-disant témoins disaient avoir vu prendre des photos dans l'usine, et qu'ils ont - sur dénonciation encore - sanctionné à la Fonte des travailleurs coupables d'avoir organisé un pot de départ pour un retraité.

Ce n'est pas d'une ligne "dédiée" dont nous avons besoin, c'est d'être assez forts et organisés pour faire la lumière sur les obscurs circuits qu'empruntent les richesses qu'ils nous volent par l'exploitation et pour les dénoncer publiquement, devant tous les travailleurs.

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