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Leur société
Thonon (74) : Exploitation sans frontières
Sur le chantier du nouveau palais de justice de Thonon (Haute-Savoie), des patrons sans scrupules ont tenté de voler délibérément 31 travailleurs polonais du fruit de leur travail.
Le témoignage de l'un de ces travailleurs, recueilli et publié dans un tract de l'Union locale CGT de Thonon, en dit long sur les moeurs de ces exploiteurs: "Nous avons répondu aux annonces d'une entreprise pour venir travailler en France jusqu'à Noël. Le point de départ était fixé dans une ville de Pologne, à 200 km de la frontière allemande. Au rendez-vous, il n'y avait pas de bus. Un correspondant nous a dit de nous rendre à la frontière par nos propres moyens, ce que nous avons fait. Au deuxième point de rendez-vous, toujours pas de bus, un autre correspondant nous a invités à traverser la frontière jusqu'à une ville allemande, où nous avons effectivement pris un mini-bus et des voitures immatriculées en France, venant de Haute-Savoie. Ces voitures nous ont amenés à Perrignier (Haute-Savoie), dans une maison de 150 m² environ où nous logions à 31."
"Il n'y avait pas de matelas jusqu'à ces derniers jours, nous couchions à même le sol. Il y avait 60 litres d'eau chaude pour 31 personnes. Nous travaillions 8 heures par jour du lundi au vendredi et 5 heures le samedi matin. Théoriquement, nous devions être payés 10 euros net de l'heure, mais nous n'avons pas touché de salaire depuis les deux mois que nous sommes ici; certains ont seulement touché 150 ou 300 euros d'acompte. "
Selon Le Dauphiné libéré, ces travailleurs auraient été embauchés par l'entreprise allemande Q-Dashi, elle-même mandatée par l'entreprise haute-savoyarde Adonis, elle-même mandatée par l'entreprise chambérienne SCITA, elle-même mandatée par l'entreprise Dumez (dont le logo s'étale aux abords du chantier). Dumez travaillait pour le ministère de la Justice, qui était maître d'oeuvre. Il y a donc complicité flagrante de patrons grands et petits.
Il faut ajouter que, selon la CGT, ces travailleurs ont été agressés au cours de leur première nuit de grève, par des patrons armés d'un pistolet et flanqués de nervis, qui voulaient les forcer à monter dans deux minibus pour les faire repartir immédiatement en Pologne!
Ces travailleurs se sont mis en grève le vendredi 16 décembre, accrochant une banderole sur le palais de justice en construction. La presse parlait enfin d'eux. Mais ce n'est que quelques jours plus tard que ces travailleurs polonais recevaient une somme de 2500 euros avancée, semble-t-il, par les entreprises françaises. Ce qui leur permettait de mettre fin à leur grève et de retourner en Pologne pour les fêtes.
Telles sont les moeurs de brigands de patrons qui piétinent sans scrupule toute réglementation sociale sans personne y regarde de trop près: ni les grandes entreprises donneuses d'ordre, ni même le client, fût-il le ministère... de la Justice!