Paludisme : Victimes pour deux dollars29/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1952.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Paludisme : Victimes pour deux dollars

Il y a quelques semaines, un congrès international consacré à la lutte contre le paludisme s'est tenu à Yaoundé, au Cameroun. Cette maladie, aussi appelée malaria, vue de France, est une maladie tropicale qui ne concerne plus que les touristes se rendant dans les régions impaludées.

Mais elle reste une menace mortelle pour 40% de la population mondiale, près de 2,5 milliards d'hommes. C'est la maladie la plus répandue dans le monde, près de trois millions de personnes en meurent chaque année, dont la moitié sont des enfants.

Cette maladie progresse. Médecins sans Frontières explique: "Aujourd'hui, on compte quatre fois plus de cas et trois fois plus de décès par paludisme que dans les années 1970." Et pourtant on sait depuis plus d'un siècle combattre cette maladie dont l'agent est un parasite transmis par la piqûre d'un moustique femelle. Dans les pays développés où elle faisait encore des ravages il y a quelques décennies, on a réussi à l'éradiquer grâce à des travaux de drainage et d'assèchement des marais et à l'utilisation massive d'insecticides.

Mais de tels travaux, coûteux, n'ont jamais été menés dans les pays sous-développés et la carte du paludisme recoupe aujourd'hui celle de la misère et du sous-développement. Aux Antilles par exemple, la maladie tue encore à Haïti, le pays le plus pauvre de la région. Sur le continent africain, c'est l'Afrique noire sub-saharienne, la région la plus pauvre du monde, qui paye un lourd tribut, puisqu'on y trouve 90% des malades. Ce n'est que lorsque leurs intérêts immédiats étaient en jeu que les puissances coloniales ont pris des mesures. Lors de la construction du canal de Panama, l'hécatombe parmi les ouvriers (et même parmi les ingénieurs) fut telle qu'elle mettait en péril la construction de l'ouvrage: des travaux d'assainissement permirent de combattre l'épidémie... et de terminer le canal. Plus tard, quand les soldats américains furent menacés au Vietnam et en Extrême-Orient, des budgets importants furent alloués à la recherche.

Dans les années cinquante, des médicaments antipaludéens sont apparus. Ils sont aujourd'hui moins efficaces du fait de l'émergence de parasites résistants, mais d'autres médicaments, les ACT, mis au point à partir de l'artémisinine, une plante qui pousse en Chine, assurent une guérison dans 90% des cas. L'OMS en a recommandé l'utilisation en 2002. L'artémisinine est commercialisée par les laboratoires Novartis, qui ne la produisent qu'en faibles quantités, expliquant que... la plante met plus de six mois à pousser. Mais pour le professeur Tu-You-You, "inventeur" des ACT, la raison est tout autre: "La lenteur de la reconnaissance de ma découverte s'explique par le fait que le paludisme est une maladie de pauvres", a-t-il déclaré. De pauvres qui n'ont pas les moyens de se payer ce médicament, car il coûte environ deux dollars contre un demi-dollar pour un traitement ancien. En Afrique subsaharienne, la moitié de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Pour ces millions d'Africains, cette différence est le prix de la vie. Et, vu leur coût, dans les hôpitaux africains, les ACT restent dramatiquement sous-utilisés.

Mais, comme le dit le PDG de Novartis: "Le profit est absolument essentiel, c'est comme l'air que nous respirons." Cette formule explique, à elle seule, pourquoi le paludisme continue à tuer dans les pays pauvres.

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