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- Lutte ouvrière n°1952
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Editorial
Le gouvernement continue à combattre les chômeurs, mais pas le chômage
Face à la catastrophe sociale que représente l'existence, depuis plus de vingt ans, d'un chômage qui touche plusieurs millions de personnes, le patronat et le gouvernement sont vraiment sur la même longueur d'onde.
Le Medef, avec la complicité d'une partie des syndicats de salariés plus soucieux de signer un accord avec le patronat que de défendre les intérêts des travailleurs, s'apprête à raccourcir la durée d'indemnisation de dizaines de milliers de chômeurs. Le gouvernement, qui prétend faire de la lutte contre le chômage sa préoccupation principale, se garde bien de toute intervention, sous prétexte que cela est du ressort des négociations entre "partenaires sociaux".
C'est logique. Pour ceux qui nous gouvernent, lutter contre le chômage, cela veut dire combattre les chômeurs! Après avoir annoncé le renforcement des contrôles, brandi la menace de radiations, sa dernière idée consiste, au nom de la transparence, à donner à l'ANPE l'accès aux fichiers du service des impôts, insinuant ainsi que de nombreux chômeurs pourraient avoir des revenus cachés.
C'est qu'en fait toute la politique du gouvernement vise à essayer de faire passer les chômeurs pour des parasites vivant aux crochets de la société et, si ce n'est en faire des érémistes, au moins à leur faire accepter n'importe quel emploi, à n'importe quel salaire, et donc à offrir de la main-d'oeuvre bon marché au patronat dans les seuls secteurs où ce dernier en a besoin.
Par contre, face aux entreprises qui suppriment des emplois par milliers, qui jettent des travailleurs à la rue alors qu'elles affichent des bénéfices florissants, qui osent proposer à leurs salariés des reclassements dans des pays où les salaires sont dix fois moins élevés qu'ici, le gouvernement se garde bien de prendre la moindre mesure. Il en est de même face aux patrons que Chirac qualifiait pourtant de "voyous", qui se livrent à un chantage à l'emploi pour imposer des augmentations d'horaires et des baisses de salaires, quand ils ne disparaissent pas purement et simplement après avoir fait déménager stocks et machines.
Pourtant, si Chirac et Villepin étaient vraiment partisans de la transparence comme ils le disent, pourquoi ne feraient-ils pas en sorte que la comptabilité des grandes entreprises soit accessible aux travailleurs et aux consommateurs? Pourquoi n'y aurait-il que les salariés dont les patrons peuvent connaître exactement la situation de famille et les revenus? Pourquoi les renseignements fiscaux concernant le patronat et les riches en général ne seraient pas eux aussi accessibles aux autres administrations, et même à toute la population?
Connaître le chiffre d'affaires réel des entreprises, non seulement le montant des bénéfices mais également comment ils ont été réalisés, comment ils sont utilisés, leur répartition, la fortune des gros patrons, à quoi ils emploient ces bénéfices, tout cela intéresserait pourtant bougrement les travailleurs à qui on impose des salaires de misère, à qui on demande de nouveaux sacrifices, comme ceux qu'on licencie sous prétexte que les affaires ne sont pas bonnes et qu'on ne peut pas faire autrement.
Il n'y aurait pas besoin d'experts-comptables pour cela. Il suffirait que chaque salarié puisse dire librement ce qu'il voit autour de lui au travail, car si chacun d'eux n'est témoin que d'une petite partie des mécanismes qui permettent aux patrons d'accumuler des fortunes sur le dos des travailleurs, l'ensemble du monde du travail aurait la possibilité de tout savoir en mettant en commun ce que chacun sait.
Bien sûr, il faudrait pour cela abolir le secret commercial, le secret de fabrication, toutes ces lois qui sont bien plus faites pour dissimuler la vérité aux yeux des travailleurs que pour contrer la curiosité de la concurrence.
Voilà ce que ferait le gouvernement s'il était si partisan de la transparence. Mais s'il ne le fait pas, ce n'est pas parce qu'il est inconséquent. C'est parce que sa fonction réelle, c'est de défendre les intérêts des possédants contre les travailleurs. C'est pourquoi il n'y a pas de "bon" gouvernement.
Editorial des bulletins d'entreprise du 26 décembre