Quelle que soit l'arène de leurs guerres, ce sont les travailleurs qui y meurent22/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1951.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Quelle que soit l'arène de leurs guerres, ce sont les travailleurs qui y meurent

Deux des institutions du monde capitaliste viennent de terminer leurs réunions au sommet. Les 25 pays de l'Union européenne se sont mis d'accord sur un budget après trois mois de crise. L'Organisation mondiale du commerce (OMC), censée réglementer le commerce international, a accouché, à Hong Kong, d'un compromis entre les 149 pays qui la composent. Par-delà leurs différences, les deux institutions ont pour but de faciliter le commerce international.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'économie est mondialisée et interdépendante. Pour ce qui est de la complémentarité des ressources naturelles, c'est vrai depuis des temps immémoriaux. Le développement capitaliste a rendu les industries étroitement imbriquées d'un pays à l'autre. Chaque travailleur sait que le processus de production dans lequel s'insère son entreprise traverse les frontières. Avant qu'une automobile, un poste de télévision, un moulin à café, soit livré au consommateur final, les travailleurs d'un grand nombre de pays auront participé à sa fabrication.

La mondialisation est poussée toujours plus loin du fait aussi bien du progrès technique, de la communication quasi instantanée, de la rapidité des transports, que de la volonté des grands groupes capitalistes dont le terrain de chasse est de longue date le monde entier.

La mondialisation n'est pas un problème en lui-même, contrairement aux balivernes des démagogues nationalistes. Elle est un fait. Et personne ne peut concevoir que, par exemple, chacune des 149 nations de l'OMC se dote d'une industrie aéronautique et même d'une industrie automobile. La mondialisation, sous la forme d'une coopération internationale visant à satisfaire au mieux les besoins de tous, est la seule base concevable du progrès de l'humanité.

Mais voilà, cette économie mondialisée est dominée par la concurrence, la compétition entre groupes capitalistes, qui se mènent une guerre féroce avec l'aide de leurs États, non pas pour mieux satisfaire les besoins, mais pour rapporter le plus de profits à leurs actionnaires.

La fameuse "libre concurrence", à laquelle les dirigeants du monde capitaliste accordent toutes les vertus, est en fait la loi de la jungle où les forts écrasent impitoyablement les faibles. Les États-Unis comme l'Europe subventionnent leur agriculture en sachant sciemment que leurs riz, blé, coton subventionnés écrasent l'agriculture des pays pauvres.

"Nos" dirigeants prétendent que cet "égoïsme national" est dans l'intérêt de "nos" paysans. Mais ce sont les grosses exploitations qui encaissent les subventions de la politique agricole commune -en Angleterre, c'est la reine elle-même- et c'est, en dernier ressort, l'industrie agro-alimentaire qui en profite. Et lorsque l'État américain et les États européens foulent au pied la libre concurrence pour aider leurs grandes entreprises industrielles, ce n'est pas pour "sauver l'emploi" mais pour augmenter les profits des actionnaires.

Un grand révolutionnaire du passé disait des capitalistes d'Europe que c'étaient des brigands enchaînés sur les mêmes chaînes. Aujourd'hui, c'est enchaînés les uns aux autres par la mondialisation qu'ils se mènent une guerre féroce pour le partage du profit, avec la peau de leurs travailleurs.

Mais le profit qu'ils se disputent vient de l'exploitation des travailleurs des pays riches comme des pays pauvres. Il vient des salaires insuffisants même en Occident et qui, dans les pays pauvres, n'empêchent même pas de mourir de faim. Il vient du fonctionnement même d'une économie faite pour dépouiller ceux qui produisent, travailleurs mais aussi paysans pauvres, des fruits de leur travail, pour polariser entre les mains d'une petite minorité des richesses qui dépassent l'entendement.

Ce n'est pas "la faute à l'Europe" et à ses marchandages. Ce n'est pas la faute à l'OMC ni à telle institution du capitalisme. C'est la faute au capitalisme lui-même, à l'économie de marché, à la dictature des groupes capitalistes sur le monde. C'est à cela qu'il est nécessaire de mettre fin avant que la société humaine en crève.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprises du 19 décembre

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