À propos de l'appel des stars à la jeunesse des banlieues : Voter... mais surtout lutter collectivement22/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1951.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

À propos de l'appel des stars à la jeunesse des banlieues : Voter... mais surtout lutter collectivement

"Allons jeunes et moins jeunes de la patrie, le jour de s'inscrire sur les listes électorales est arrivé". Sur un air de rap, l'appel est lancé entre autres par Joey Starr, Jamel Debbouze et Lilian Thuram, des stars de la jeunesse. Et, tout un symbole, c'est à Clichy-sous-Bois, là où a démarré l'explosion des banlieues après que deux jeunes sont morts électrocutés en cherchant à fuir la police, que les initiateurs de l'appel ont décidé de parrainer les jeunes venus s'inscrire sur les listes électorales.

Si plus de quarante millions de personnes ont leur carte d'électeur, elles sont près de huit millions en âge de voter mais à ne pas être inscrites sur les listes. Peut-être l'appel de leurs idoles entraînera-t-il les jeunes à s'y inscrire. Il n'y aurait pas de quoi s'en plaindre, au contraire. Toute une fraction de la classe ouvrière est privée du droit de vote, sous le seul prétexte qu'elle est immigrée, alors que ses membres vivent en France, y travaillent et y paient leurs impôts depuis de nombreuses années. C'est une injustice flagrante. À elle seule, elle fait obligation à ceux qui bénéficient du droit de vote de l'exercer.

Lors des élections, le bulletin de vote peut permettre d'affirmer des idées, de se compter autour de celle ou celui qui les exprime, il permet d'apprécier, de mesurer les forces collectives, mais il ne peut pas grand-chose d'autre. Et quand, s'adressant aux jeunes des banlieues, Guillaume Depardieu affirme: "La carte électorale est le seul préservatif contre l'extrême droite" ou que Djamel Debouzze déclare: "Voter, c'est la seule bagarre utile", le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils se trompent.

S'il faut que les jeunes s'emparent de la possibilité de s'exprimer offerte par la carte d'électeur, il faut aussi qu'ils sachent que c'est tout ce qu'ils pourront en faire. Aucun bulletin de vote ne changera jamais la vie de la jeunesse des banlieues ni ne préservera de l'extrême droite. Pas plus qu'aucun bulletin de vote n'a jamais changé la vie des travailleurs, la vie des exploités.

Il a fallu attendre 1944 pour que les femmes aient enfin le droit de vote. Jusque-là, elles étaient exclues de ce suffrage pourtant dit "universel". Elles ont voté pour la première fois en avril 1945 lors d'élections municipales. Soixante ans plus tard, on en est encore à imposer des quotas, sous peine de pénalisations financières, simplement pour que les femmes soient représentées à égalité avec les hommes dans leurs partis politiques! Et dans ces soixante années, toutes les mesures qui ont amélioré la condition féminine ont été conquises, non pas par le vote mais par la lutte. Si la loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse a finalement été votée, c'est parce que pendant des années, des femmes ont osé braver les interdictions et les lois, ont osé se battre.

Les élections et toute leur organisation sont, comme tous les autres aspects de la société, sous la coupe du grand capital. Les journaux, les télévisions, tous les moyens d'information, les salles pour se réunir, tous les moyens de communication lui appartiennent et seuls les candidats aux ordres et prêts à le servir y ont pleinement accès. Les dés sont pipés d'avance par la loi du fric.

S'il faut voter pour s'exprimer, ce sont les luttes collectives qui permettent de changer les choses.

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