Pyrénées-Orientales : Ouvriers agricoles: exploités, volés, et parfois expulsés!15/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1950.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Pyrénées-Orientales : Ouvriers agricoles: exploités, volés, et parfois expulsés!

Dans la France du XXIe siècle, les conditions de travail des ouvriers agricoles, surtout lorsqu'ils sont étrangers, et a fortiori s'ils sont sans papiers, relèvent souvent d'un autre âge. Une nouvelle illustration en a été donnée dans un site d'exploitation maraichère au Mas Riols, près d'Argelès, dans les Pyrénées-Orientales.

Une vingtaine d'ouvriers agricoles, portugais, maghrébins et roumains, qui travaillaient sur ce site pour le compte d'un groupement d'employeurs, se sont ainsi mis en grève le jeudi 17 novembre et ont organisé le blocage des camions d'expédition transportant la production de légumes de l'exploitation. Ils réclamaient tout simplement le paiement de leurs salaires en retard, certains n'étant pas payés depuis CINQ mois! À quoi s'ajoute le non-paiement d'heures supplémentaires, datant de 2003 pour certains...

Depuis des mois, la direction leur faisait des promesses chaque semaine en leur disant qu'«ils seront payés demain». On comprend leur colère et leur détermination à ne plus accepter cela et, plutôt que d'attendre le résultat de la procédure prud'homale en cours, à réagir en organisant eux-mêmes physiquement le blocage jour et nuit des expéditions, malgré le froid et le vent.

Les tentatives de la direction pour faire cesser le blocage (menace de fermeture de l'entreprise, menace de porter plainte (!), puis promesse de régler un mois de salaire tout de suite et le reste plus tard...), n'y ont rien fait. «Nous ne partirons que lorsque nous serons payés» répondirent les ouvriers.

La patronne du lieu n'en est pas à son premier coup. Elle a depuis vingt ans accumulé les procès pour des affaires similaires. On sait notamment qu'elle était accusée de ne pas déclarer les accidents du travail, et de ne pas non plus faire les dossiers de retraite de ses employés. Ainsi un de ses anciens ouvriers, un travailleur marocain «retraité», âgé aujourd'hui de 67 ans, non seulement ne touche aucune retraite faute de déclaration, mais continue, sans aucune compensation financière, à surveiller pour le compte de cette patronne un mas (propriété et villa), qu'il habite certes, mais qui n'a pas l'eau courante et pour lequel il doit payer un loyer et l'électricité qu'il consomme!

Aidés par la CGT, les travailleurs en lutte ont finalement obtenu que leur soient versés immédiatement de 6000 à 9000 euros d'arriérés, et que neuf jours de grève leur soient payés à la fin décembre. Ceci dit, une fois leur chèque encaissé, la plupart d'entre eux ont démissionné, ou sont rentrés au pays pour la fin d'année, et ne reviendront sans doute pas. Même s'ils auraient pu faire valoir plus en avant leurs droits, on les comprend!

Quant à l'employeur, il a tout de même écopé d'une interdiction d'exploitation dans l'immédiat, et passera en jugement en janvier.

Mais le plus scandaleux c'est que, même quand ce sont les patrons qui se comportent comme des hors-la-loi, c'est aux travailleurs que l'État s'en prend. En effet, la PAF (Police de l'air et des frontières), descendue sur le piquet de grève dans les premiers jours du conflit, n'a rien trouvé de mieux que de faire expulser en urgence six travailleurs roumains sans papiers, avant même que ceux-ci aient pu toucher leur arriéré de salaire de trois mois!

On se demande ce qui, dans cette histoire et cette société, est le plus écoeurant, de l'exploitation éhontée par des «patrons voyous» de travailleurs en situation souvent déjà difficile, ou de l'arbitraire d'un État qui s'acharne sur les plus vulnérables.

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