Les va-t-en guerre des colonies15/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1950.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Les va-t-en guerre des colonies

Sarkozy, qui devait faire un voyage de tourisme publicitaire en Martinique et en Guadeloupe, a préféré y renoncer. Il faut dire que lui, dont les propos ressemblent de plus en plus à ceux de Le Pen, risquait d'avoir le même accueil que son modèle qui, en 1987, avait dû reprendre l'avion sous protection policière contre les manifestants. Les propos du ministre de l'Intérieur traitant de «racaille» les jeunes des banlieues, où se mêlent des enfants issus des immigrations africaine, maghrébine et antillaise, et promettant de nettoyer leurs immeubles au Kärcher, n'ont pas vraiment plu aux Antillais.

Et puis, il y a cette loi scélérate que des députés de ses amis ont votée au mois de février dernier, exprimant la «reconnaissance» de la «nation» aux «femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine» et demandant que «les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord».

Eh oui, plusieurs dizaines d'années après la fin de l'empire colonial, il se trouve des députés pour voter une loi glorifiant le colonialisme et les infamies commises au nom et dans l'intérêt de la bourgeoisie française!

Positif, le rôle du colonialisme? Positifs, la conquête coloniale, les peuples décimés en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, pour permettre à la bourgeoisie française de mettre la main sur ces pays? Positif, le rôle du commerce d'esclaves qui a saigné l'Afrique avant même qu'elle soit colonisée, pour fournir en main-d'oeuvre servile les plantations des Antilles et d'Haïti qui ont fait la richesse de la bourgeoisie française de cette époque? Positif, le travail forcé pour construire certes des lignes de chemin de fer ou des routes, mais avec la seule préoccupation de faciliter le pillage des richesses naturelles des pays où ils furent construits? Positifs, les centaines de milliers de ressortissants des colonies enrôlés de force pour servir de chair à canon dans des guerres qui ne les concernaient en rien, quand ce n'était pas pour servir d'instrument d'oppression contre d'autres peuples colonisés? Positif, le fait que des peuples entiers aient été considérés comme des sous-hommes et qu'à Paris, lors de l'Exposition coloniale de 1931, des êtres humains aient été exposés comme des bêtes curieuses?

Et lorsque les soulèvements de peuples colonisés firent sonner le glas des empires coloniaux, notre impérialisme fut de ceux qui se cramponnèrent à leur domination jusqu'aux limites du possible, faisant payer un lourd tribut de sang aux peuples opprimés mais, aussi, aux jeunes d'ici envoyés en Algérie ou ailleurs pour mener de sales guerres coloniales.

Et comment oublier que tous les partis qui ont été au gouvernement, les partis de droite mais, aussi, les partis qui se disent socialiste ou communiste, ont participé aux infamies commises dans les colonies?

Lorsque la police et l'armée françaises ont écrasé la population algérienne insurgée dans la région de Sétif en 1945, tous les partis étaient représentés dans le gouvernement de l'époque, y compris le Parti Communiste dont un des dirigeants était ministre de l'Aviation.

Tous les partis gouvernementaux ont cautionné également la répression, en 1947, de l'insurrection du peuple de Madagascar. Et si le peuple algérien comme la génération de jeunes soldats qui ont été envoyés en Algérie pour tuer et se faire tuer ont des raisons de se souvenir des généraux tortionnaires à la Massu, Bigeard ou Aussaresses, ils ont aussi des raisons de se souvenir que c'est le «socialiste» Guy Mollet qui avait décidé l'envoi massif du contingent et que Mitterrand était un de ses ministres les plus concernés par la répression.

Il faut, bien sûr, abroger cette loi qui est une véritable provocation, mais il faut surtout se souvenir que la fortune de ceux qui nous exploitent ici vient, aussi, des souffrances de nos frères, les peuples du Maghreb, d'Afrique, des Antilles et d'Indochine.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 12 décembre

Partager