Changer l’OMC ou changer le monde?15/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1950.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Changer l’OMC ou changer le monde?

Chaque sommet international de l'OMC est désormais l'occasion de manifestations de protestation. Les manifestants, dont les motivations comme les slogans peuvent être extrêmement variés, voire contradictoires, sont présentés par la presse comme étant «anti-OMC». De plus, certaines de ces manifestations ayant donné lieu à des affrontements avec la police et l'OMC étant clairement au service des entreprises les plus riches et des pays les plus puissants, ses opposants passent pour être des adversaires radicaux du système social actuel. José Bové, représentant d'un syndicat international de paysans, démonteur du McDonald's de Millau, faucheur de maïs génétiquement modifié et défenseur des produits du terroir, n'a-t-il pas été arrêté dès sa descente d'avion à l'aéroport de Hong Kong?

Évidemment, Bové a immédiatement alerté les médias en faisant valoir qu'il était régulièrement accrédité, et depuis toujours, pour assister à toutes les réunions internationales de l'OMC. Pascal Lamy, président en exercice de l'OMC, interviewé au même moment par France Inter, l'a confirmé. Puis la ministre française du Commerce s'est empressée de faire libérer José Bové. Elle a d'ailleurs déclaré: «Il est normal et souhaitable que les fédérations professionnelles et les organisations non gouvernementales soient associées étroitement au débat sur la mondialisation.»

Ce point de vue n'est pas propre à la ministre française. Lamy, président de l'OMC, s'est fait photographier en train de recevoir une pétition demandant un «commerce mondial plus juste». Elle était couverte, paraît-il, de 17,8 millions de signatures, dont celles du dalaï-lama et du secrétaire général de l'ONU, pas vraiment connus comme des défenseurs efficaces des paysans pauvres du Tiers Monde... Un journaliste de Libération relève que «à l'heure du déjeuner, de hauts fonctionnaires américains s'invitent à une table d'ONG (organisations non gouvernementales) et de délégués africains». C'est ainsi que les militants des ONG essaient de convaincre les délégués du bien-fondé de leurs propositions. Ils y arrivent parfois... car les trusts ou les grands pays capitalistes qui se font concurrence sont prêts à faire flèche de tout bois. Les normes d'hygiène mises en place par chaque pays sont ainsi depuis longtemps une arme de choix dans les luttes entre trusts de l'agro-alimentaire et ne défendent, éventuellement, la santé du consommateur que par ricochet.

Les manifestations, quant à elles, sont en partie composées de petites délégations de paysans de telle ou telle région, victimes d'expropriations, du travail forcé, de la concurrence des trusts de l'agro-alimentaire, etc. En bref, de toutes les conséquences néfastes et même souvent mortelles pour la petite propriété qui accompagnent le développement du capitalisme. Les revendications mises en avant par la plupart des ONG, même si elles étaient réalisées, ne pourraient pas changer leur situation.

Via Campesina par exemple, organisation paysanne internationale représentée par José Bové, veut faire reconnaître par l'ONU «le principe de souveraineté alimentaire». Mais le fait que l'ONU reconnaisse depuis sa création la «souveraineté nationale» des États n'a empêché aucune guerre ni aucun des forfaits des pays impérialistes ou de leurs hommes de main. De même, le fait que l'ONU interdise le travail des enfants n'empêche pas de constater qu'il est en augmentation. L'ONU pourrait donc bien reconnaître ce nouveau principe sans que cela change quoi que ce soit. De plus, même si ce principe de «souveraineté alimentaire» était appliqué, il signifierait peut-être que les paysans seraient protégés par leur État national de la concurrence des trusts internationaux. Mais en quoi cela remplirait-il l'assiette des ouvriers, des pauvres des villes et des paysans sans terre?

Les ONG et le courant «altermondialiste» s'affirment en général contre les subventions qui «déstabilisent le marché mondial». Ils sont pour que le commerce se fasse sur la base de la «valeur réelle» des marchandises, pour que le commerce soit «équitable». Fort bien. Mais combien faut-il d'heures de travail, à combien d'enfants-ouvriers de Chine ou d'ailleurs, pour produire «équitablement» l'équivalent en tee-shirts ou en micro-processeurs du prix d'un Airbus, de la piste d'atterrissage et de la tour de contrôle qui vont avec? Combien de milliers de tonnes de cacao, de café ou de bananes faut-il ramasser et vendre «équitablement» pour avoir de quoi payer des médicaments pour toute la population d'un pays d'Afrique dont c'est la seule ressource? C'est une course perdue d'avance car, sur la base du marché capitaliste, l'écart se creuse toujours entre les pays riches et les pays pauvres.

Alors les processions rituelles et les slogans inoffensifs des ONG, le commerce «équitable» et les suppliques à l'ONU ne tireront pas les peuples du Tiers Monde de la misère dans laquelle le fonctionnement même de la société capitaliste les plonge un peu plus chaque jour. Il ne suffit pas de se dire «altermondialiste». Il faut lutter pour abattre le système capitaliste qui domine le monde.

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