Airbus – Toulouse : La bonne affaire pour les actionnaires15/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1950.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Airbus – Toulouse : La bonne affaire pour les actionnaires

«La ville rose a le vent en poupe», s'exclamait La Dépêche du Midi après l'annonce de la commande par la Chine de 150 Airbus de la famille A320, pour près de 10 milliards de dollars. Il est vrai que le même jour était annoncée l'implantation à Toulouse de Galileo, le système européen de radionavigation par satellite. Galileo, destiné à concurrencer le GPS américain, est le fruit d'un consortium comprenant notamment EADS (actionnaire à 80% d'Airbus), qui décidément se retrouve dans tous les «bons coups» du moment.

Dans les ateliers et les bureaux, à Airbus Toulouse, l'inquiétude dominait après l'annonce de l'étude de faisabilité d'une chaîne d'assemblage A320 en Chine. Et même si la direction certifiait que cette chaîne d'assemblage à venir ne concurrencerait pas les chaînes européennes de Toulouse et Hambourg, puisqu'elle serait destinée au marché intérieur chinois, beaucoup d'ouvriers ne la croient pas sur parole.

La mise en concurrence des travailleurs entre eux, la direction la pratique déjà aujourd'hui, en particulier entre les deux chaînes d'assemblage existant à Toulouse et Hambourg. La maîtrise n'hésite pas à évoquer les mérites de la chaîne en Allemagne pour inciter les ouvriers d'ici à travailler plus vite, ou pour justifier les heures supplémentaires ou pour imposer des horaires atypiques. Avec cette éventuelle troisième chaîne en Chine, les ouvriers supposent déjà les termes du chantage qu'ils devront subir sur les «coûts de production» comparés des uns et des autres.

Dans les bureaux il y a aussi de l'inquiétude, et il est plutôt question de craintes suite à d'hypothétiques «transferts de technologie», ou de «perte de propriété intellectuelle ou de savoir faire».

Côté syndical, FO, en se félicitant de la bonne affaire, a pris acte des engagements de la direction et, pour faire face aux surcharges de travail, «revendique la relance des embauches». Quant à la CGT, dans un communiqué du 5 décembre, elle demande des garanties en matière d'embauche et de respect des droits du travail en Chine.

Dans la sous-traitance, comme chez Labinal, par exemple, l'annonce de l'étude d'une chaîne d'assemblage en Chine est ressentie comme une nouvelle menace sur les emplois sous-traitants en France. Il est vrai que depuis 1997, chez Labinal, les délocalisations d'activités vers les usines du Mexique et du Maroc se sont accélérées, sans que de nouvelles productions les compensent. Et, dans ce contexte d'inquiétude, il y a eu bien des réactions d'hostilité du style: «Si les Chinois s'y mettent, on est foutus».

Mais certains travailleurs ne se trompent pas d'adversaires, disant que les capitalistes s'arrangent toujours pour faire supporter aux ouvriers les conséquences de leurs choix économiques, que leurs affaires se développent ou régressent, soit en licenciant, soit en aggravant les conditions de travail, soit les deux. Et ils ont raison, d'autant que pour l'instant, même s'il ne s'agit que d'une étude de faisabilité, on sent bien que les patrons d'Airbus, comme les sous-traitants, n'ont pas besoin de cette annonce pour imposer des reculs toujours plus importants.

Ce qui est sûr, c'est que les patrons d'Airbus se frottent les mains. Fin octobre 2005, selon la direction, il y avait encore près de 1200 avions à fabriquer sur les 3714 commandes d'Airbus de la famille A320, soit près de quatre ans de travail, uniquement dans ces modèles. La dernière commande de la Chine s'ajoutera donc aux autres, pour le plus grand bien des actionnaires. Et de ce côté-là, ça va bien.

Début novembre, à Amsterdam, les patrons d'EADS ont publié les résultats du groupe sur les neuf premiers mois de 2005: un bénéfice net de 1,025 milliard d'euros, en hausse de 74%. Un rapide calcul du dividende global qui devrait être redistribué aux actionnaires montre que chacun des 112000 salariés d'EADS rapportera aux actionnaires 997 euros par mois sur 12 mois! Les salariés d'Airbus, eux, n'ont eu qu'une royale augmentation de salaire de 1,6%.

Mais c'est pourtant eux et les milliers de sous-traitants, et leur travail à tous, qui sont à l'origine de cet enrichissement.

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