L'usine de la Barre-Thomas à Rennes fabrique des pièces en caoutchouc et en plastique pour l'automobile (à 95% pour PSA). Elle était la propriété de Citroën, puis de Peugeot, jusqu'à son rachat en 2000 par le groupe CF Gomma. Actuellement, elle emploie 2100 salariés. Depuis plusieurs mois, toutes sortes de rumeurs concernant l'avenir de l'usine circulent et la pression de la direction dans les ateliers s'accentue. Elle prétend que le travail n'est pas assez productif, qu'il coûte trop cher et que l'effectif est trop important. Le 1er décembre, elle annonçait que CF Gomma était en dépôt de bilan et qu'un administrateur judiciaire allait être nommé.

Alors, tout ce que chacun savait plus ou moins confusément a éclaté au grand jour. Ce n'est pas parce que le travail n'est pas assez productif que l'usine a des problèmes. Ce sont les tripatouillages financiers organisés par les patrons de CF Gomma avec la complicité de la direction de l'usine qui ont provoqué les difficultés actuelles.

En 2003, la direction de la Barre-Thomas a dû, sur ordre des patrons du groupe, racheter pour 36 millions d'euros une usine du groupe Gomma située en Pologne. À cette époque, le directeur du personnel avait été désigné pour monter au front et expliquer tout l'intérêt qu'il y avait à ce que l'usine de Rennes achète au groupe l'usine de Pologne. Il n'avait convaincu personne, d'autant que le directeur financier de la Barre-Thomas a été licencié en 2004 pour n'avoir pas voulu cautionner cette opération financière à laquelle personne n'a rien compris, si ce n'est que cela a représenté un important transfert d'argent de Rennes vers la direction du groupe.

Après cette douteuse opération financière, la direction de l'usine s'est mise à nous mettre sous pression, en concurrence avec nos collègues polonais, avec l'objectif d'augmenter la productivité. Depuis le début de cette année, elle a imposé une augmentation généralisée des quotas de production; elle a sorti le temps de ménage du temps de production journalière; l'instauration du non-stop des machines au changement d'équipe et la fin des horaires libres de pause dans plusieurs secteurs... Le patron s'en est aussi pris aux salaires, en supprimant une prime pour les travailleurs de nuit, en accordant des augmentations dérisoires...

Le patron se plaint d'une baisse de 12% de la production vendue cette année mais il oublie de signaler que l'effectif a diminué de 15% sur la même période. Pour bien nous faire sentir que l'usine était en difficulté, il y a même eu un retard dans le paiement de nos salaires d'octobre. Que des difficultés existent, c'est possible. Mais elles ne sont pas de notre fait alors que l'usine tourne à fond, avec augmentation des cadences de production et séances de travail en plus.

Les responsables des difficultés, il ne faut pas les chercher du côté des travailleurs, qu'ils soient à Rennes, en Pologne ou ailleurs. On connaît ces responsables. Ce sont d'abord les patrons de PSA qui ont vendu l'usine pour favoriser une baisse des coûts en sous-traitant la production. Ce sont aussi les patrons du groupe CFGomma qui, sans vergogne, ont vidé les caisses avec la complicité active des responsables de l'usine. Et puis, bien sûr, ce sont les banques auxquelles la direction de Gomma-Rennes a emprunté de l'argent pour acheter à CF Gomma son usine en Pologne

Il paraît que les bénéfices des banques progressent en ce moment de 40 à 50% par rapport à l'an dernier. Tout le monde sait que les groupes industriels et financiers de l'industrie automobile sont parmi les plus puissants du petit monde des capitalistes. La famille Peugeot est capable, par exemple, d'obtenir que le groupe PSA dégage, en trois ans, un milliard d'euros rien que pour acheter des actions PSA à seule fin de les détruire pour que la part de la famille soit plus importante.

Ces gens-là auraient donc largement les moyens de trouver une solution pour éponger les dettes de l'usine si c'est nécessaire au maintien des emplois à Gomma.

Et puis, il faut savoir que l'usine de PSA de la Janais à Rennes ne peut se passer actuellement de la production de Gomma-Rennes. Cela veut dire que si la famille Peugeot et le patron de PSA, Folz, ne comprennent pas assez vite ce qu'ils ont à faire, les travailleurs ont les moyens de le leur faire comprendre. Il suffirait que le travail soit arrêté quelque temps à la Barre-Thomas pour que la production soit arrêtée à la Janais.

Dans cette affaire, il n'est question que d'argent et pas de production, ni de nombre de travailleurs dans l'usine. Et il est pour le moins choquant que le président du Conseil général d'Ille-et-Vilaine, le socialiste Jean-Louis Tourenne, ait déclaré, à l'annonce du dépôt de bilan, si on en croit le journal Ouest-France: "On va proposer la création d'une structure d'aide de recherche à l'emploi pour les futurs salariés licenciés." Les responsables socialistes du département se proposent déjà dans le rôle de pompiers de service !

Il n'y a aucune raison d'accepter le moindre licenciement, et pour lutter contre les mauvais coups qui se préparent sûrement, les salariés de Gomma doivent avant tout compter sur leur force collective et sur l'aide de leurs collègues de PSA.