Stora – Corbehem (62) : - les capitalistes du papier prêts à ruiner une région23/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1947.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Stora – Corbehem (62) : - les capitalistes du papier prêts à ruiner une région

Le groupe finlandais Stora Enso est le quatrième producteur mondial de papier. Ses actionnaires ont fait de l'argent, beaucoup d'argent. Ils ont par exemple racheté en juin de cette année Schneidersöhne, le deuxième distributeur de papier en Allemagne, pour la bagatelle de 450 millions d'euros. L'année dernière, ils avaient racheté les Papeteries de France, le groupe néerlandais Scaldia, et quelques années auparavant l'usine de papier Béghin à Corbehem, dans le Pas-de-Calais.

Cette dernière usine emploie 912 travailleurs, dont 98 de l'entreprise sous-traitante Siex. Trois énormes machines tournent depuis des années pour produire le papier glacé qui sert à la plupart des magazines que l'on trouve sur le marché français. La direction de l'usine vient d'annoncer son intention d'en arrêter deux sur les trois, ce qui entraînerait 600 licenciements.

Elle invoque de nombreuses raisons pour cela: ces deux machines, datant de 1932 et de 1950, seraient trop vieilles. Les impôts seraient trop chers en France, et la facture d'électricité trop élevée. Le canal à grand gabarit que l'entreprise avait réclamé mettrait trop de temps à venir. Des politiciens, élus locaux, maires, députés, sénateurs, de droite comme de gauche, se précipitent déjà pour reprendre les arguments de Stora et les défendre auprès des ouvriers, réclamant du calme et de la patience, promettant d'intervenir ou suggérant qu'ils pourraient trouver des "solutions industrielles" en discutant avec les actionnaires du groupe.

Mais Stora est en fait en train de licencier 5000 travailleurs dans le monde, en Finlande, en Suède, en France, en Allemagne et aux États-Unis. Les raisons invoquées dans ces différents pays sont diverses, adaptées en quelque sorte aux politiciens locaux qui les utilisent. En réalité, le groupe souhaite améliorer ses résultats de 300 millions d'euros par an. Les bénéfices ont été en baisse au troisième trimestre 2005: les actionnaires de Stora se plaignent de n'avoir pu se partager que 96 millions d'euros, contre 122 au trimestre précédent. Ils voudraient donc, à la fois racheter d'autres entreprises, et empocher malgré tout les mêmes bénéfices. Et comme cela ne marche pas autant qu'ils le voudraient, ils considèrent qu'il leur reste à faire des économies sur les salaires, donc à licencier, ou à réclamer des subventions aux États, aux régions, aux communes. Ou à faire tout cela en même temps...

Pour l'heure, les travailleurs de Stora Corbehem sont encore sous le choc. Mais l'usine Metaleurop, devenue une friche industrielle, n'est pas loin, 15 kilomètres, et pas loin dans le temps non plus: les travailleurs ont encore tous en mémoire les 900 licenciements et leurs conséquences dramatiques pour la région. L'Imprimerie nationale de Flers, où la direction menace actuellement de licencier 450 travailleurs, est encore plus proche. Alors, déjà, il y a de plus en plus de travailleurs de Stora dans les manifestations.

Ils étaient 450 le samedi 19 novembre dans les rues de Douai, contents de se retrouver, et le moral revient. La crainte et le refus de voir mourir la région tout entière pourraient provoquer des explosions de colère, celles-là mêmes que les politiciens essaient de désamorcer.

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