Île de la Réunion : Des niches fiscales qui ne sont pas pour les chiens23/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1947.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Île de la Réunion : Des niches fiscales qui ne sont pas pour les chiens

Le débat sur la réforme fiscale qui a lieu actuellement à l'Assemblée est révélateur des objectifs du gouvernement: favoriser les riches tout en essayant (ô combien mal!) de donner l'impression de vouloir limiter certains de leurs avantages, d'où quelques propositions qui viseraient à plafonner des "niches fiscales".

Seulement, la majorité des députés de la majorité ne l'entend pas de cette oreille et veut au contraire ne rien plafonner du tout, au point de mettre dans l'embarras le président UMP de la commission des finances. Ce dernier craint en effet que la réforme fiscale donne trop l'apparence de favoriser les classes les plus aisées, ce en quoi il n'a pas tort puisque de nombreuses mesures prises actuellement vont effectivement dans ce sens. En témoignent les 100000 personnes qui gagnent plus de 220000 euros par an et qui vont voir chaque année leurs impôts baisser au total de 885 millions. En témoignent aussi les 16800 contribuables qui profiteront du beau cadeau que viennent de leur faire les députés de droite: un "bouclier fiscal" qui limite à 60% de leurs revenus ce que les plus riches verseront en impôts directs. Grâce à cette mesure ces riches vont récupérer 282 millions d'euros. À tout cela, il faut encore ajouter la révision des tranches de l'impôt dont profitent les contribuables qui ne sont pas dans le besoin.

En ce qui concerne les niches fiscales, la volonté du gouvernement d'y toucher est en fait inexistante. Il s'agit de multiples déductions, réductions, exonérations, abattements et autres étalements fiscaux, en fait pas moins de 400 dispositifs d'exception, qui font que chaque année l'État renonce à quelque 40 milliards d'euros

La discussion était à peine engagée sur ce terrain que le gouvernement a fait voter un amendement qui maintenait sans les modifier tous les dispositifs de défiscalisation concernant les Dom-Tom: une des plus grosses niches fiscales.

La loi de programme pour l'outre-mer de juillet 2003 avait instauré un important régime de défiscalisation et d'allégement de charges sociales dans les Dom-Tom, prétendument destiné à doper les investissements, et par voie de conséquence l'emploi. D'emploi, il ne fut pas question. Par contre, concernant les baisses de charges et les réductions d'impôts, ce ne fut que du bonheur... pour les patrons. Pour ne prendre qu'un exemple, en 2006, la seule réduction d'impôt sur le revenu du plan de défiscalisation coûtera à l'État 400 millions d'euros, au bénéfice de seulement 6400 personnes (soit en moyenne 62500 euros par tête de pipe!), dont beaucoup de riches métropolitains. Quatre secteurs en bénéficient surtout: l'hôtellerie, le logement, les énergies renouvelables et... le financement des entreprises.

En ce qui concerne l'île de la Réunion, tous les élus, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont approuvé la reconduction des dispositifs de défiscalisation, ainsi que celle concernant les exonérations des charges sociales patronales. De la part des représentants de la droite, cela est somme toute logique. Mais que les parlementaires de gauche aient tenu à affirmer que "toute la Réunion doit s'unir pour défendre les mesures spécifiques en faveur de l'île", oubliant de préciser que ces mesures profitent surtout, voire exclusivement, aux patrons et aux riches, montre dans quel camp ils se situent.

Défiscalisation et allégement de charges n'ont rien d'un "puissant levier pour le développement économique". Ce ne sont que des cadeaux faits aux plus riches et qui se traduisent par des réductions d'impôts, allant jusqu'à 70%, dans le domaine de la rénovation et de la réhabilitation hôtelière par exemple, ou encore pour des dépenses concernant les bateaux de plaisance. À ce propos d'ailleurs, le Syndicat national unifié des impôts de la Réunion dénonce le fait que "des bateaux destinés à des voyages d'entreprise servent en fait à des voyages d'agrément privés". Ce sont donc des avantages donnés en pure perte et qui n'ont pas pour objet de relancer l'emploi ou les investissements mais de satisfaire les caprices de quelques-uns.

Cela est d'autant plus choquant qu'à la Réunion plus de 30% des travailleurs n'ont pas d'emploi et que 25000 demandes de logements ne sont pas satisfaites. Ce ne sont pas les besoins ni les moyens qui manquent mais la volonté de les satisfaire, ce qui signifierait prendre à quelques-uns pour contenter le plus grand nombre.

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