Allemagne : Une "grande coalition" au service du grand capital23/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1947.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Une "grande coalition" au service du grand capital

C'est le 22 novembre, deux mois après les élections législatives allemandes du 18 septembre dernier, que la présidente de l'Union Chrétienne-Démocrate (CDU), Angela Merkel, a été officiellement élue par le Bundestag chancelière d'un gouvernement qui regroupe, en nombre égal, des ministres de la CDU (et de son alliée bavaroise, la CSU) et du Parti Social-démocrate (SPD).

C'est donc un gouvernement qu'on qualifierait en France d'union nationale qui va gouverner le pays sur la base d'un "contrat de coalition" (baptisé avec cynisme "Ensemble pour l'Allemagne - avec courage et humanité"), signé le 11novembre entre la CDU-CSU et le SPD et approuvé ensuite par les congrès respectifs de ces partis. Ce programme gouvernemental est clairement dirigé contre le monde du travail. Et il représente une aggravation de la politique antiouvrière menée par les sociaux-démocrates et les Verts au cours des sept ans où ils ont gouverné ensemble.

L'âge légal de départ à la retraite, qui est aujourd'hui de 65 ans, sera porté progressivement à 67 ans à partir de 2011. Le patronat réclame déjà une hausse à 70 ans. Bien sûr personne n'imagine qu'on puisse travailler dans l'industrie jusqu'à cet âge alors que déjà, aujourd'hui, les salariés partent en moyenne à 61 ans. La plupart des salariés âgés partiront en fait à l'avenir avec une pension réduite ou iront grossir les rangs des chômeurs. De leur côté, les cotisations de retraite vont augmenter de 0,4% mais les pensions vont continuer d'être gelées pendant plusieurs années.

Par ailleurs, les patrons pourront licencier plus facilement, puisque la période d'essai pour un nouvel embauché pourra être portée de six mois à deux ans.

Le taux de TVA doit passer, au 1er janvier 2007, de 16% à 19%, ce qui frappera évidemment bien plus les classes populaires que les millionnaires.

Le nouveau gouvernement veut également s'en prendre aux chômeurs qui toucheraient indûment les pourtant maigres allocations de chômage de longue durée. La chasse aux chômeurs de moins de 25 ans va être ouverte et les parents sommés de prendre en charge leurs enfants... pourtant adultes. Mais, magnanime, le gouvernement a prévu que l'allocation versée aux chômeurs de longue durée serait égalisée entre l'est du pays (331 euros) et l'ouest (345 euros).

D'autres attaques sont programmées dans le domaine fiscal: la déduction forfaitaire pour frais de transport sera limitée et les indemnités de licenciement seront désormais imposables. Comme il fallait tout de même faire croire que les sacrifices seront partagés entre tous, il est prévu d'augmenter de 3% l'impôt sur la partie des revenus qui dépasse 250000 euros par an pour un célibataire (500000 euros pour un couple). Cette mesure, qui concernerait environ 60000 gros contribuables, sera d'autant plus symbolique que ces derniers y échapperont s'ils placent leurs revenus en actions, biens immobiliers ou autres.

Les fonctionnaires de l'État fédéral, auxquels avait déjà été imposé, en 2004, une hausse de leur temps de travail de 38 heures30 à 40 heures, devront travailler 41 heures, sans hausse de salaire. En outre la CDU vient d'annoncer que la prime de Noël que ces fonctionnaires touchaient habituellement serait réduite de moitié à partir de 2006.

Bien sûr, les cadeaux au patronat n'ont pas été oubliés: baisse des charges sociales, diminution de l'impôt sur les sociétés, nouvelles possibilités de déductions fiscales.

Face à une telle déclaration de guerre contre les salariés, les chômeurs et les retraités, les syndicats ont décidé... de rester l'arme au pied. "Cela aurait pu être pire", a ainsi déclaré Michael Sommer, le président du DGB, la plus importante confédération syndicale, lors d'une conférence de presse. S'il a dénoncé certaines des mesures décidées par la coalition, il a aussi souligné que des demandes importantes des syndicats avaient été prises en compte. Car, pour les dirigeants syndicaux, l'essentiel demeure: le système de cogestion, qui leur permet de disposer de sinécures à la direction de nombreuses entreprises, et ainsi de "cogérer" l'exploitation des travailleurs, n'est pas remis en question. Le DGB entend donc donner "une chance au gouvernement". Aucune manifestation, aucun soutien aux protestations qui sont envisagées ici ou là, ne sont à l'ordre du jour.

Dans ce contexte, la situation s'annonce difficile pour le monde du travail. D'autant qu'ensemble la CDU-CSU et le SPD disposent d'une majorité écrasante au Bundestag pour faire passer leurs lois. Mais les travailleurs représentent une force considérable dans le pays. Et il faut souhaiter qu'après avoir encaissé le choc, ils réussissent à surmonter les obstacles qui se dressent devant eux et à rendre coup pour coup aux possédants et aux politiciens à leur service.

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