Banlieues : 30 ans de mépris leur sautent à la figure10/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1945.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Banlieues : 30 ans de mépris leur sautent à la figure

Reportages, témoignages et interviews ont montré les conditions de vie exécrables dans certaines cités des banlieues ouvrières. Voilà maintenant plus de trente ans que ces conditions se dégradent. Trente années au cours desquelles les gouvernants ont alternativement changé de couleur sans changer de politique.

Au moment de leur construction, dans les années 60, ces cités étaient certes infiniment plus confortables que les bidonvilles et autres taudis dans lesquels nombre de travailleurs étaient contraints de vivre. Mais ce ne sont pas de véritables villes qui furent édifiées. Loin des centres urbains, sans équipements sportifs, culturels ou scolaires et souvent même sans véritables commerces, ce ne furent que des "cités-dortoirs". Au fil des années, elles se sont dégradées sans qu'on leur alloue les crédits suffisants pour les entretenir.

De gauche ou de droite, les politiques ont répondu avec des mots creux et des plans sans moyens. Ils ont successivement parlé de ZUP (zones d'urbanisation prioritaires), puis de ZUS avec S un pour "sensibles". Ils ont aussi créé les ZEP où l'éducation était sensée devenir prioritaire. Côté plans, du temps de la droite d'avant 1981, il y a eu la mise en place d'un programme "habitat et vie sociale". Une fois au pouvoir, la gauche, elle, a créé une "Commission nationale pour le développement des quartiers" puis elle a lancé le "Conseil national des villes", puis la "Loi d'orientation sur la ville", etc. Mais ce ne furent que des coquilles vides.

Certes, en 1996, furent crées les Zones franches urbaines, les "ZFU" appelant à l'implantation d'entreprises dans les quartiers pauvres. Quelques entreprises s'y sont installées d'autant que si la loi leur recommandait d'embaucher 30% de leurs salariés dans ces quartiers, elle leur offrait... une exonération d'impôts, de charges sociales et de la taxe professionnelle. En 2003, la mesure fut reconduite avec la création de nouvelles "ZFU". En région parisienne, en huit ans, elles ont créé, à elles toutes, 3000 emplois. On est loin du compte.

Depuis trente ans, dans les cités les plus pauvres, les immeubles et l'environnement se sont dégradés. Dans le même temps le nombre de chômeurs y a augmenté encore plus vite qu'ailleurs. Tous ceux qui ont pu fuir cet environnement l'ont fait. Si bien que s'y trouvent regroupés les plus pauvres, les plus démunis au milieu desquels de petits marlous pourrissent encore plus l'ambiance avec leurs trafics.

Mais la dégradation de l'habitat n'est rien à côté des conséquences de la dégradation de l'enseignement. Depuis ces trente ans, le nombre d'enseignants dans les écoles maternelles et primaires a diminué par rapport au nombre d'élèves. Pour ces enfants, pour ces jeunes, on n'a pas donné à l'école les moyens d'apporter l'apprentissage d'un minimum de langage permettant de comprendre un raisonnement. On ne leur a pas appris non plus à lire correctement en pouvant assimiler des textes un peu complexes, ce qui avec l'apprentissage de l'écriture pouvait leur permettre d'assimiler l'enseignement primaire voire celui du collège, au lieu d'être en échec permanent. Ce qui les mène à rejeter toute culture qui, croient-ils, ne sert à rien par elle-même.

L'embrasement des quartiers est certes le produit du chômage et de la misère, mais surtout le produit de 30 ans de mépris des gouvernants.

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