Guyane : Quand l'État français démolit les maisons des pauvres03/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1944.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guyane : Quand l'État français démolit les maisons des pauvres

À Matoury, près de Cayenne, en Guyane, les forces de l'ordre sont intervenues le 26 octobre pour démolir des maisons construites sans permis. Grâce à la réaction de la population, qui a manifesté sa colère, le nombre de maisons démolies en est resté à neuf, au lieu des dix-sept prévues ce jour-là. En tout, sur cette colline, 78 maisons sont menacées d'être détruites d'ici la fin de l'année.

Des familles entières se sont ainsi retrouvées brutalement sans toit, sans qu'un relogement leur soit proposé. Le préfet s'est contenté de dire que ce n'était pas son problème, et que, en tant que représentant de l'État, il avait juste " la charge de l'exécution des jugements ". En effet, un jugement récent avait ordonné la démolition des habitations, sous prétexte qu'elles avaient été construites illégalement, alors que, à Matoury comme dans les principales villes, ces maisons ont été érigées et sont habitées depuis des années.

La Guyane a connu un fort accroissement de sa population ces vingt dernières années, à cause en partie de l'immigration mais surtout d'un nombre important de naissances. Or, la construction de logements n'a pas suivi. Selon la préfecture elle-même, alors qu'il faudrait construire 1 500 logements par an en Guyane, il n'y en a que quelques centaines, et encore moins de logements sociaux. Alors, faute de logements, lassés d'attendre des autorisations qui ne venaient pas, des habitants ont bâti eux-mêmes leur maison. Un millier seraient ainsi construites chaque année, sans que cela gêne en quoi que ce soit, car ce n'est pas la place qui manque : la Guyane ne compte que 2 habitants au km² ! Si l'on tient compte du fait que seule la région côtière est habitée, cela ne fait malgré tout que 19 habitants au km².

Parmi ces habitations, certaines tiennent plus de la baraque que d'une maison répondant à toutes les normes de confort. Cela donne un prétexte supplémentaire aux autorités françaises pour les démolir, car elles déclarent hypocritement vouloir en finir avec l'habitat insalubre, qui serait propice en outre au développement de la délinquance !

Dans ce département d'outre-mer, l'État français applique la même politique que dans la métropole en matière de logement, avec sans doute plus de mépris et de sans-gêne : rien n'est fait pour la population. Pire même, préfet et forces de l'ordre se comportent comme à l'époque coloniale, démolissant les habitations que les plus pauvres avaient eux-mêmes bâties, les jetant sans rien à la rue.

Partager