Allemagne : l'héritage du SPD : la misère en expansion03/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1944.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : l'héritage du SPD : la misère en expansion

Alors que les négociations pour la formation d'un gouvernement de " grande coalition " entre la CDU-CSU (droite) et le Parti Social-Démocrate se poursuivent en Allemagne, il est instructif de faire le bilan du gouvernement Schröder (SPD) du point de vue du niveau de vie des travailleurs.

L'Allemagne est un pays riche avec une bourgeoisie puissante. Selon le World Wealth Report 2004 (Rapport mondial sur la richesse), près de 10% des millionnaires en dollars de la planète y vivent. Ils disposent même de plus de 10% des revenus de cette catégorie. De son côté, le magazine Manager a publié, en octobre, son 5eclassement annuel consacré aux 300 plus grandes fortunes du pays. Le nombre d'individus ou de familles milliardaires ne cesse de croître. Ils sont aujourd'hui 91, en tête desquels Karl Albrecht, le fondateur du groupe de distribution alimentaire Aldi. Pour les possédants, qui n'arrêtent pas de se plaindre que l'Allemagne vit au-dessus de ses moyens, que le coût de la main-d'oeuvre y est beaucoup trop élevé, etc., ce n'est donc pas la crise.

En revanche, à l'autre bout de l'échelle sociale, la misère s'est fortement accrue au cours des années récentes. De nombreuses études le confirment. En particulier le Rapport du gouvernement fédéral sur la pauvreté et la richesse, publié en mars 2005 par le gouvernement Schröder lui-même, qui indique que la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 12,1% en 1998 (année de l'accession au pouvoir de la coalition formée entre le SPD et les Verts) à 13,5% en 2003. Cela représente une augmentation de plus de 11% en cinq ans. Plus de 11 millions d'hommes et femmes sont donc considérés comme pauvres dans le pays le plus industrialisé d'Europe. De son côté, Eurostat, l'organisme de statistiques de l'Union européenne, indique un taux de pauvreté supérieur, qui a augmenté de 13% en 2001 à 15% en 2003 (par comparaison, il était de 12% en France la même année).

La misère, dont ces chiffres ne sont que le reflet, est visible dans l'Est du pays, ravagé par le chômage, mais elle s'étale aussi au grand jour dans la Ruhr, qui est la région d'Allemagne de l'Ouest la plus touchée par la pauvreté. On peut la voir dans les villes ouvrières comme Duisbourg ou Gelsenkirchen ou encore dans les quartiers nord d'Essen.

Parmi les plus touchés, on trouve des femmes élevant seules leurs enfants, des retraités -dont les pensions sont bloquées depuis deux ans-, mais aussi, bien sûr, des chômeurs, dont le nombre se maintient à un niveau très élevé (4,65 millions officiellement fin septembre). Leur situation ne peut d'ailleurs qu'empirer avec les conséquences (diminution de 32 à 12mois de la durée d'indemnisation) de la réforme de l'assurance-chômage (baptisée HartzIV), entrée en vigueur en janvier 2005.

De leur côté, de nombreux travailleurs ont vu leurs salaires stagner ou carrément baisser. Du fait des concessions imposées par les patrons dans les grandes entreprises. Mais aussi à cause de la précarisation des emplois et de la montée des petits boulots. Occupés à plus des deux tiers par des femmes, les " mini-jobs " à moins de 400euros pas mois concernent près de 5millions de personnes.

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que la pauvreté enfantine a, elle aussi, connu une envolée. Toutes les associations d'aide sociale en font état. Et une étude de l'Unicef publiée cette année indique que plus d'un million et demi d'enfants et d'adolescents de moins de 18ans vivent dans un foyer pauvre. Cela représente plus de 10% des enfants vivant en Allemagne (le taux correspondant est de 7,5% en France).

Voilà donc quelle est la situation du monde du travail dans un pays où, après les années difficiles de l'après-guerre, la population avait vu son niveau de vie s'améliorer régulièrement, et devenir, dans les années 1960, un des plus élevés en Europe. Cette régression a certes débuté depuis une quinzaine d'années. Mais toutes les mesures qui ont été prises depuis sept ans par la social-démocratie au pouvoir ont contribué à l'accélérer, en installant la pauvreté à un niveau inconnu depuis des décennies et en rendant la société allemande plus dure pour tous les défavorisés.

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