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Saddam Hussein devant le tribunal : Procès ou mascarade ?
Le procès de l'ancien président irakien Saddam Hussein qui s'était ouvert le mercredi 19 octobre devant le Tribunal spécial irakien (TSI) à Bagdad vient d'être reporté au 28 novembre. Saddam Hussein est accusé du massacre de 143 chiites à Doujaïl en 1982. C'est pour l'instant le seul crime dont sont accusés l'ex-président et ses sept anciens lieutenants.
À Doujaïl, des manifestants portant des portraits de leurs proches tués en 1982 ont déployé à l'ouverture du procès des banderoles demandant "l'exécution du tyran". Saddam Hussein, dont le régime est issu du coup d'État militaire de 1968, fut effectivement un tyran. La dictature qu'il imposa fut d'emblée féroce: tortures et assassinats d'opposants, pendaisons publiques pour terroriser la population, nettoyages des prisons de leurs détenus politiques qui auraient fait 3000 morts entre 1997 et 2001, massacres de populations chiites ou kurdes, comme celui de la ville d'Halabja en mars 1988 où 2000 civils succombèrent à un bombardement à l'arme chimique. Il commit de nombreux crimes pour son propre compte, afin de se hisser au pouvoir, mais il continua à une plus grande échelle, une fois devenu chef d'État, en tant qu'homme de main au service de l'impérialisme.
Cet aspect n'a pas du tout été soulevé par le tribunal. On pourrait par conséquent oublier que, durant une longue période, il fut très fréquentable aux yeux des dirigeants impérialistes. On pourrait oublier les louanges d'un Chirac, qui le reçut en septembre 1975 et le trouvait "un dirigeant réaliste, conscient de ses responsabilités, soucieux des intérêts de son pays et du bon équilibre de cette région du monde".
S'il entra en guerre contre l'Iran en 1980, ce fut bien avec le soutien des dirigeants impérialistes américains et européens qui souhaitaient ainsi affaiblir le régime de Khomeiny. Cette guerre fut une véritable boucherie, mais les industriels français, les Dassault, Aérospatiale, Matra, Thomson, tout comme leurs homologues italiens, allemands ou américains, applaudirent aux milliards de profits tirés de ces huit années d'affrontement qui firent un million de morts.
Une fois cette guerre terminée, les impérialistes ne lui témoignèrent cependant aucune reconnaissance et exigèrent le remboursement des dettes colossales contractées par l'État irakien durant ce conflit. Quand, en 1990, Saddam Hussein décida d'envahir le Koweit pour récupérer en quelque sorte ce que lui devaient les impérialistes pour ses bons et loyaux services, ceux-ci poussèrent les hauts cris qu'ils avaient "omis" de pousser quand le même homme avait essayé d'envahir l'Iran dix ans auparavant, car il n'était pas question de laisser un État comme l'Irak mettre la main sur cette chasse gardée des grandes compagnies pétrolières.
Mais après l'évacuation du Koweit par l'armée irakienne, au printemps 1991, lorsque les populations chiittes du sud de l'Irak et kurdes du nord commencèrent à se soulever, les armées occidentales regardèrent sans broncher l'armée irakienne écraser la révolte. Les dirigeants impérialistes préféraient encore voir la dictature de Saddam Hussein se renforcer plutôt que de risquer de voir la stabilité de leur domination ébranlée dans cette partie du monde.
Le tribunal qui juge Saddam Hussein n'a, pour l'instant, retenu qu'une infime partie de tous les crimes qu'il a commis, et surtout il n'a convoqué aucun de leurs commanditaires à comparaître sur le banc des accusés. D'ailleurs si Saddam Hussein était promptement reconnu coupable des meurtres de Doujaïl et condamné à mort, cela éviterait d'avoir à le juger pour tous les autres crimes, et de courir le risque de le voir parler des alliances et des appuis dont il a bénéficié pendant trente ans.
Mais d'ores et déjà, ce procès d'un homme de main organisé par ceux-là mêmes qui l'ont patronné et à qui il ne convenait plus, a tout d'une sinistre mascarade.