Afrique, Europe et migration : Les pays «riches» recueillent ce qu’ils ont semé14/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1941.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afrique, Europe et migration : Les pays «riches» recueillent ce qu’ils ont semé

Les millions d'Africains qui sont prêts à tout pour immigrer en Europe fuient la misère et les guerres qui touchent leur pays. Mais cette situation à laquelle ils veulent échapper n'est pas née de rien. Elle découle de décennies, voire de plusieurs siècles de domination coloniale.

Si l'Afrique demeure ce continent pauvre, si l'espérance de vie à la naissance et le taux d'alphabétisation des adultes sont restés si bas, quand ils n'ont pas régressé, c'est parce que la colonisation, prétendument civilisatrice, n'a rien amélioré mais qu'elle a pillé les pays qu'elle dominait. Dans la liste des pays que l'on nomme pudiquement, dans le jargon des économistes, les pays les moins avancés (PMA), des États d'Afrique noire, dont sont originaires les émigrants de Ceuta et de Melilla, en sont l'illustration.

À une situation désastreuse sur les plans alimentaire, de l'hygiène et de l'éducation, s'ajoutent les conséquences des guerres qui secouent plusieurs de ces États, telle celle de Côte-d'Ivoire. Nombre des migrants qui tentent de franchir les détroits de Gibraltar ou de Sicile sont originaires de ces pays.

Les pays européens de l'Ouest, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, le Portugal portent une responsabilité directe dans ce que sont devenus ces pays et leurs peuples.

Toutes, à un titre ou à un autre, elles ont saigné l'Afrique en organisant la traite négrière. À partir du XIXe siècle, elles se partagèrent le continent, la France et la Grande-Bretagne s'y taillant d'immenses empires coloniaux. Quoi qu'en disent aujourd'hui ceux qui veulent faire de l'histoire de la colonisation un conte de fées, celle-ci fut catastrophique pour ces peuples.

La «civilisation» que prétendaient implanter en Afrique les grandes puissances européennes fut synonyme de travail forcé et d'exploitation intensive des richesses minières et agricoles de ces pays qui enrichirent les métropoles coloniales. Les quelques routes et voies ferrées qu'elles construisirent, les ports qu'elles installèrent, le furent uniquement en fonction des besoins nécessaires pour exploiter et transférer les richesses pillées vers l'Europe.

Les indépendances accordées par les métropoles impérialistes, parfois après s'être embourbées dans des guerres coloniales, ne changèrent rien à ces réalités, en particulier dans les ex-colonies françaises. La situation fut même aggravée par la création à l'initiative de l'ex-colonisateur d'une multitude d'États, ce qui lui permit de mieux contrôler ces bouts d'Afrique morcelés. L'exploitation des ressources fut ainsi prolongée. Pour défendre leur domination, les puissances impérialistes rivales n'hésitèrent pas à entretenir des guerres civiles dites «ethniques» pour régler leurs différends par Africains interposés.

Les difficultés actuelles auxquelles sont aujourd'hui confrontées les puissances européennes pour contrôler les frontières méridionales de leur monde protégé sont le produit de cette histoire. On entend tel ou tel des représentants actuels de ces pays civilisés, modernes, riches, déclarer que leur pays ne peut accueillir toute la misère du monde. Mais cette misère, ce sont leurs prédécesseurs qui l'ont créée.

En venant frapper aux portes de ceux qui les ont affamés, au-delà même de l'urgence de les aider, ils ne font que réclamer une partie, bien faible, de ce qu'on leur a volé.

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