Baisse du chômage...ou radiation des chômeurs ?06/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1940.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Baisse du chômage...ou radiation des chômeurs ?

Le taux de chômage serait passé en dessous de 10%, a-t-on entendu dire à l'occasion de la publication des chiffres du chômage pour août (le dernier mois pour lequel l'ANPE ait fourni des statistiques). Le gouvernement s'en est bien sûr félicité, même s'il a évité de crier trop fort à une victoire dans la lutte contre le chômage.

En un mois, le recul du nombre des chômeurs inscrits n'est en fait que de 21 500, alors qu'il en reste tout de même deux millions et demi, et environ autant de salariés ayant un emploi précaire. Pour Villepin, «les choses avancent» et, ajoute-t-il, «nous marquons des points». Mais le Premier ministre se garde bien de préciser comment ces «points» sont marqués.

Il y a d'abord ce que les gouvernants nomment «traitement social du chômage». En clair, c'est l'art et la manière de peser, si possible de façon pas trop visible, sur les chiffres du chômage.

Ainsi, le nombre de «contrats aidés dans le secteur non marchand» a bondi de 50% en un mois, passant de 40000 à 61000. Il s'agit de contrats instaurés en janvier dernier par la «loi de cohésion sociale», dite loi Borloo. Le nombre de 21000 contrats supplémentaires de ce type correspond presque exactement à ce dont le gouvernement fait tant de cas: la baisse du chômage toutes catégories confondues (-21 500) dans le même laps de temps! Et il faut souligner que ces «contrats aidés», que l'État finance en grande partie, sont à durée déterminée, donc précaires. En outre, leur rémunération est des plus réduites, car la loi prévoit qu'elle est calculée sur la base du smic horaire, mais pour un horaire qui peut descendre à 20 heures par semaine. Avec un tel contrat «aidé», on n'a sûrement pas de quoi vivre décemment, mais on n'est plus comptabilisé comme chômeur!

Il y a aussi les contrats d'apprentissage et ceux de professionnalisation, dont le nombre a augmenté de 4,9% sur un mois. À défaut de correspondre à des embauches immédiates dans de véritables emplois, ces formules ont permis de faire reculer, sinon le chômage des jeunes, du moins son chiffrage officiel (-1,2% en août).

Et puis, depuis cet été, les syndicats accusent le gouvernement de radier des chômeurs pour réduire les statistiques du chômage. Villepin et ses ministres s'en défendent, bien sûr, tandis que la direction de l'ANPE se répand dans les médias à ce propos. Ainsi, son directeur général affirmait dans Aujourd'hui du 30 septembre, que «le nombre de radiations est stable: il y a eu 240000 radiations sur les sept premiers mois de l'année (...), contre 235000 sur la même période en 2004».

Les radiations ont donc tout de même augmenté de 2% en un an. Et ce n'est sans doute pas fini avec la décision prise par décret, en catimini cet été, de renforcer le contrôle des chômeurs et d'ajouter aux motifs de radiation existants «les refus de contrat d'apprentissage, de professionnalisation ou d'une offre de contrat aidé», et de ce que le gouvernement nomme une «offre d'emploi valable».

Ce décret, qui multiplie les entretiens de bilan de recherche d'emploi auxquels les chômeurs devront se rendre, va aussi «faire varier la durée des radiations en fonction de la situation réelle du demandeur d'emploi», ce qui n'était pas possible auparavant, ajoute le directeur général de l'ANPE. Le gouvernement, qui veut tourner les réticences du personnel de l'ANPE à sanctionner les chômeurs, présente sa gamme de sanctions, radiations comprises, comme plus graduée. Il a demandé à l'ANPE d'embaucher dans ses services du personnel précaire, en espérant qu'il sera plus aisé d'en obtenir ce qu'il veut.

Être radié, pour des périodes de plus en plus longues, avant de l'être de façon définitive, ou accepter de travailler pour un patron à des conditions d'emploi et de salaire de plus en plus dégradées: c'est contre les chômeurs, pas contre le chômage, que le gouvernement cherche à «marquer des points».

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