- Accueil
- Lutte ouvrière n°1938
- Une expulsion empêchée !
Leur société
Une expulsion empêchée !
Guy Effeye, un jeune de 19 ans d'origine camerounaise, élève l'an dernier en terminale au lycée Jacques-Feyder d'Épinay-sur-Seine,en Seine-Saint-Denis, a été placéau centre de rétention de Mesnil-Amelot (aéroport de Roissy) le vendredi 19 août. Samedi 17 septembre, une centaine de personnes se sont rassemblées pour protester contre la décision de l'expulser. Et le lendemain plusieurs dizaines de manifestants ont dû affronter la police pour empêcher son embarquement dans un avion d'une compagnie camerounaise. Les passagers ont refusé d'attacher leur ceinture et le pilote de décoller.
Placé en garde vue pour " refus d'embarquer ", il devait pour ce motif comparaître devant le tribunal de Bobigny mardi 20 septembre, où 400 lycéens de Seine-Saint-Denis étaient venus le soutenir. Finalement, devant l'ampleur de la mobilisation, le préfet a reculé : le procès n'a pas eu lieu, et le préfet lui a donné un sursis jusqu'à ce qu'il passe son bac, en juin prochain.
Guy vit en France depuis plus de quatre ans et poursuit des études. Par ailleurs, vivant sans aucun soutien familial, il doit faire des petits boulots pour vivre. C'est dans ce cadre qu'il a été arrêté le mercredi 17 août. En avril dernier, suite à un contrôle de police à la gare du Nord, il avait déjà fait l'objet d'une garde à vue et d'un arrêté de reconduite à la frontière. Suite à l'intervention d'enseignants et du collectif local de l'association " Réseau éducation sans frontière ", la préfecture de Seine-Saint-Denis lui avait délivré une autorisation provisoire de séjour de trois mois, qui se terminait à la fin du mois de juillet. Quinze jours plus tard, il était donc de nouveau arrêté.
Ce jeune homme vient d'avoir un enfant. Sa compagne étant également sans papiers, l'enfant n'a pas été déclaré et il est lui aussi sans papiers, bien que né en France !
Tous les jeunes qui sont dans la même situation que Guy peuvent être expulsés à tout moment à leur majorité. Qu'ils aient des enfants, ou qu'ils continuent leurs études, ou encore qu'ils n'aient aucun soutien, aucune famille dans le pays où ils risquent d'être expulsés, rien de tout cela n'émeut ceux qui décident des reconduites à la frontière. La vie de ces jeunes est pourrie par la crainte d'être contrôlé et arrêté, ce qui peut arriver, comme on le voit dans le cas de Guy, n'importe quand et n'importe où.
Un gardien de la paix, travaillant pourtant à la Police aux frontières, faisait part de son émotion face à la multiplication de ces expulsions, dans une interview au journal Libération du mardi 20 septembre : " On est à peu près à 54% de l'objectif de reconduites qui nous a été fixé par le ministère de l'Intérieur pour la Moselle. Soit autour de 700 mesures d'éloignement pour un total de 1300 à atteindre sur l'année. On est donc loin du compte. On expulse à tour de bras. On fait les fonds de tiroirs. On va chercher tout ce qui peut traîner comme étrangers en situation irrégulière. On " fait " beaucoup de familles. Une famille, ça peut faire six personnes. Souvent, ce sont des gens qui sont là depuis plusieurs années. Même les collègues les plus durs ne comprennent pas. " À propos des jeunes majeurs expulsés, ce policier poursuit : " Ça, c'est très très dur. "
Il y a de quoi être révolté, en effet. Et depuis quelques années des gens, des enseignants entre autres, qui côtoient ces jeunes sans papiers de plus près, se mobilisent contre leur expulsion. Ils parviennent ainsi parfois à faire reculer les autorités. Et il est à souhaiter que ce genre de réactions se multiplient.