La leçon, pour les travailleurs d'ici, des élections en Allemagne22/09/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/09/une1938.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La leçon, pour les travailleurs d'ici, des élections en Allemagne

La vie politique allemande s'organise autour de deux grands partis : un parti de droite, la CDU, et un parti dit de gauche, le Parti Social-Démocrate (SPD), qui se relaient au pouvoir depuis des décennies.

Depuis 1998 c'est le SPD, dirigé par Schröder, flanqué des Verts, qui gouverne. Pendant ses sept ans de pouvoir, le gouvernement social-démocrate allemand a mené la même politique que ses semblables, en Grande-Bretagne avec Blair ou en France avec Jospin. En invoquant la lutte contre le chômage, Schröder a multiplié les mesures contre les travailleurs et favorables au patronat. Il a facilité les licenciements et la flexibilité. Il a " réformé " le système de soins, en faisant payer plus les assurés et en diminuant les prestations. Il a réduit de manière drastique les allocations chômage et il a obligé les chômeurs à accepter n'importe quel travail ou des travaux d'intérêt général payés un euro de l'heure.

Résultat de cette politique dite de " modernisation " : baisse importante du pouvoir d'achat des salariés, sans que le chômage baisse pour autant. Près de 5 millions de chômeurs, 12% de la population active !

C'est le gouvernement socialiste lui-même qui, en démoralisant son propre électorat, a favorisé le retour de la droite. Plus grave encore, il a accrédité l'idée qu'il n'y a pas d'autre politique possible et que, même en Allemagne, la principale puissance économique d'Europe, il n'était plus possible de maintenir le niveau de vie des travailleurs ni leurs prestations sociales d'il y a vingt ou trente ans.

La droite n'a eu qu'à reprendre, avec plus de cynisme et moins d'hypocrisie, l'idée que plus les riches s'enrichissent, mieux le pays se porte, même s'il faut pour cela démolir les conditions d'existence des travailleurs. Un peu trop rassurés cependant par les sondages qui donnaient la CDU largement victorieuse, ses dirigeants se sont laissé aller à dire ce qu'ils comptaient faire, avant même d'avoir été élus. Schröder a été sauvé de la débâcle électorale complète par l'excès de cynisme de la droite, dont certains chefs proposaient, par exemple, un impôt unique sur le revenu à 25%, payé donc au même taux par un milliardaire et par un manoeuvre.

Après sept ans d'une politique antiouvrière, les dirigeants socialistes ont pu achever leur campagne électorale en affirmant : " Voyez, il peut y avoir pire que nous ".

Mais il n'est même pas dit que la CDU et le Parti Social-Démocrate ne se mettent pas d'accord sur un gouvernement de coalition, comme cela leur est déjà arrivé dans le passé, pour mener ensemble la même politique.

Le système politique n'est pas le même en Allemagne et en France. Mais ce qui se passe en Allemagne rappelle bien des choses d'ici et en préfigure d'autres.

En France aussi, la droite doit son retour triomphal au pouvoir aux cinq années de gouvernement Jospin, et Chirac son plébiscite de 2002 à l'appel honteux des dirigeants du PS et du PC à voter pour lui.

En France, c'est la droite qui mène la politique antiouvrière que mènent les " socialistes " Schröder en Allemagne et Blair en Grande-Bretagne. Cela favorisera-t-il la gauche en 2007 ? L'avenir le dira. Mais, même si cela arrivait, qu'est-ce que les travailleurs auraient à gagner à ce que les coups qu'on leur porte viennent de la gauche au lieu de la droite ?

Pour arrêter les coups, il n'y a rien à attendre des combinaisons qui se préparent à gauche. La seule alternative à la politique que mènent, en se relayant au gouvernement, la gauche et la droite, est la contre-offensive du monde du travail pour imposer ses exigences vitales au patronat comme à ceux qui sont au gouvernement.

Ce n'est certainement pas cela qui nous est proposé par les confédérations syndicales pour le 4 octobre. Mais si une journée de mobilisation, sans annoncer une suite, ne fera reculer ni le patronat ni le gouvernement, elle peut et elle doit être l'occasion pour les travailleurs d'affirmer dans la rue qu'ils n'attendent rien des charlatans politiques et qu'ils ne font confiance qu'à eux-mêmes.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 19 septembre

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