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Allemagne : Une baffe pour Schröder et une gifle pour Merkel
Les élections législatives anticipées qui ont eu lieu le 18 septembre en Allemagne se sont conclues, comme cela était prévisible, par un vote-sanction envers le Parti Social-Démocrate (SPD) au pouvoir depuis sept ans avec les Verts.
Discrédité dans une partie de l'opinion populaire par les nombreuses mesures qu'il a prises contre les travailleurs, les chômeurs et les retraités, le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder avait décidé, après une énième défaite électorale dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie en mai dernier, d'avancer le scrutin prévu normalement en septembre 2006. Il espérait ainsi empêcher la contestation contre sa politique de s'amplifier pendant encore un an et aussi faire jouer, dans l'électorat de gauche, le réflexe du " vote utile " en sa faveur pour empêcher le retour de la droite. Cette manoeuvre n'a que partiellement réussi. Le SPD a certes évité un effondrement trop important mais il a subi un désaveu électoral significatif : il a perdu 2 340000 électeurs et 4,2% en pourcentage. Tandis que les Verts reculent, eux aussi, de 285000 voix.
Pour sa part, la CDU-CSU, le parti conservateur emmené pour la première fois par une femme, Angela Merkel, n'a obtenu que 35,2% des voix, soit seulement 0,9% de plus que le SPD. Elle aussi a reculé, de 1 890000 voix (soit 3,3 points de moins), alors que son allié traditionnel, le FDP, n'en gagne que 1 080000. Elle recule même de 9,3% dans son fief de Bavière. Pourtant, jusqu'à la fin du mois d'août, tous les instituts de sondage prédisaient une large victoire de la droite. C'est sans doute cela qui a conduit la CDU, trop sûre d'elle-même, à étaler avec arrogance ses projets réactionnaires... et à repousser certains électeurs qui s'apprêtaient à voter pour elle. Ainsi Angela Merkel a mis sur le devant de la scène, début septembre, un professeur d'économie de l'université de Heidelberg, Paul Kirchhof, en le présentant comme le futur ministre des Finances. Parmi d'autres mesures, il proposait de créer une tranche unique d'impôt sur le revenu, à 25%. Avec ce système, les inégalités face au fisc auraient été considérablement aggravées, la secrétaire étant imposée au même taux que son PDG.
Quant à l'extrême droite, elle n'atteint au total que 2,2%. C'est certes en progression de 1,6% par rapport à 2002, mais c'est très loin des 9,2% que le NPD avait obtenus, il y a tout juste un an, lors des élections régionales de Saxe, et qui laissaient craindre une montée équivalente à l'échelle nationale. En Saxe, le NPD n'obtient que 4,9%.
Un succès du Parti de Gauche...
Le parti qui progresse le plus, avec 2 116000 voix supplémentaires et un gain de 4,7 points, est le Parti de Gauche. Issu tout récemment de la transformation du PDS (héritier de l'ancien parti stalinien d'Allemagne de l'Est) et de son alliance avec des déçus du SPD, il obtient 8,7% des voix et va disposer de 54 députés au Bundestag. C'est le meilleur résultat, depuis la guerre, d'un parti qui se situe à la gauche du SPD.
Le Parti de Gauche confirme son influence à l'Est avec 25,4%, ce qui dépasse tous les résultats obtenus par le PDS depuis la réunification du pays. Il y devance même la CDU. À l'Ouest, ses résultats demeurent bien plus faibles (4,9%), mais il obtient des scores supérieurs dans la Sarre (18,5%), un Land dont Oskar Lafontaine, un de ses porte-parole, a longtemps été ministre-président ; mais également dans un certain nombre de circonscriptions populaires de la Ruhr, comme Gelsenkirchen (7,9%), Duisbourg II (7,9%) ou Essen II (7,4%) ; ou encore à Bremerhaven ou Kaiserslautern (8,8% dans les deux cas). C'est loin d'être négligeable et cela traduit le mécontentement qui existe dans une fraction de l'électorat populaire, qui a choisi de voter à gauche du SPD pour protester contre la politique menée par ce parti, qui se prétend de gauche mais a mené une des pires politiques de régression sociale depuis des décennies. On peut se réjouir du fait que le discrédit du SPD n'a pas profité aux courants les plus réactionnaires, comme on l'a vu par exemple en France, avec le succès de Le Pen.
... mais pas de perspective réelle pour les travailleurs
Malheureusement le Parti de Gauche n'offre pas de perspective véritable, à ceux qui ont voté pour lui comme à l'ensemble de la classe ouvrière. Son seul objectif politique semble être de représenter une opposition parlementaire. L'attitude bien timorée de son président, Lothar Bisky, le soir de l'élection sur les plateaux télévisés en témoigne. Il s'est contenté de dire que son parti allait déposer une proposition de loi revenant sur les mesures du plan Hartz IV (qui s'en prend aux chômeurs) et a réclamé le retour des troupes allemandes présentes en Afghanistan.
Et puis, si les deux figures de proue du Parti de Gauche, l'ancien stalinien Gregor Gysi ou l'ex-président du SPD Oskar Lafontaine, affirment vouloir rester dans l'opposition, en expliquant qu'il est impossible de gouverner avec le SPD tant que celui-ci n'aura pas changé de politique, ils ne sont visiblement pas troublés par le fait que le Parti de Gauche participe au gouvernement de deux Länder de l'est du pays, dont la capitale, Berlin, avec le même SPD, sans que cela se traduise par une politique différente.
L'actualité politique va dans les prochaines semaines être dominée par la mise en place du nouveau gouvernement. La CDU-CSU et le FDP ne disposent pas à eux seuls d'une majorité parlementaire, pas plus que le SPD et les Verts. Des négociations ont donc commencé pour trouver une combinaison possible et tous les retournements d'alliances sont envisageables. Dès la clôture du scrutin, Merkel comme Schröder ont prétendu que les électeurs leur avait confié le mandat de diriger le prochain gouvernement. Alors, que sortira-t-il de ce vaudeville politicien ? Et quelle équipe gouvernementale sortira de ces tractations ? Finalement cela importe peu. Le gouvernement SPD-Verts sortant laisse en héritage aux travailleurs une situation profondément dégradée. Et on peut prévoir que le prochain chancelier, quel qu'il soit, agira tout autant en faveur du patronat que le précédent. Après comme avant les élections, les travailleurs seront confrontés à cette situation.
Trouveront-ils les moyens d'y faire face ? Trouveront-ils les moyens de changer le rapport de force en faveur des travailleurs, là où ils représentent une force réelle, dans les entreprises et dans la rue ? Trouveront-ils le moyen de faire reculer cette bourgeoisie arrogante et richissime qui ne cesse de demander de nouvelles mesures en sa faveur ? C'est le seul enjeu de la prochaine période.