- Accueil
- Lutte ouvrière n°1935
- Transports publics : Une rente pour Vivendi et compagnie
Leur société
Transports publics : Une rente pour Vivendi et compagnie
Début juillet, les trois grandes sociétés privées françaises de transport urbain, parmi lesquelles une filiale de Vivendi, ont été condamnées à payer des amendes pour s'être partagé à l'amiable l'attribution de nombre de réseaux de transports urbains de province.
Au total, elles devront verser près de 12 millions d'euros, mais cela ne représente que 0,4% de leur chiffre d'affaires, qui a atteint 3 milliards d'euros pour leurs seules activités en France.
Ce qui leur est reproché, c'est de ne pas avoir joué le jeu de la concurrence. Car officiellement elles doivent répondre aux appels d'offres lancés par les élus qui dirigent les agglomérations. Mais il n'est pas bien difficile, à trois sociétés qui se partagent 80% des réseaux de transports urbains de province, de faire des pactes de non-agression, tout en paraissant officiellement en concurrence, afin de s'entendre en vue de ramasser le plus possible sur le dos des futurs usagers, voire des collectivités qui sont parfois même complices.
Le Conseil de la concurrence a fait saisir des notes prises en réunion par les responsables des sociétés de transports urbains entre 1996 et 1998, ainsi que des courriers échangés qui montrent comment ce petit monde, tout en vantant les bienfaits de la concurrence, s'entend comme larrons en foire pour faire payer le prix fort aux usagers. Les trois sociétés qui se partagent le marché sont mises en cause: Connex, du groupe Vivendi, est devenue la première entreprise européenne dans ce secteur; Kéolis, qui appartenait à l'époque à la banque Paribas, avec une participation de la SNCF et de Vivendi, est contrôlé actuellement par un fonds de pension britannique; Transdev est une filiale de la Caisse des Dépôts. Une concertation nationale a été organisée au niveau de la direction des trois groupes, avec des applications notamment à Bordeaux, Bar-le-Duc, Épernay, Laval, Chalon-sur-Saône, Saint-Claude, Oyonnax et Sens. L'enquête indique que «dans ces villes, à l'occasion des appels d'offres, les entreprises se sont mises d'accord, soit pour ne pas présenter d'offre ou se désister, soit pour présenter des offres qui ne gênent pas le titulaire du marché». Par exemple, les notes d'un responsable laissent entendre que, pour être sûr de garder son fief de Bordeaux, Connex a laissé les mains libres à Kéolis pour Rouen et Châteauroux. Les sociétés «ont activement fait fonctionner le cartel en surveillant l'attribution des marchés dans au moins 27 villes réparties sur l'ensemble du territoire, sous la menace de représailles à l'encontre des entreprises susceptibles de troubler leur jeu anticoncurrentiel».
On peut imaginer que le gâteau doit être juteux, mais l'enquête n'indique pas combien ces réseaux de transports publics ont rapporté aux actionnaires. Elle ne précise pas non plus les raisons qui ont poussé les maires dans 80% des agglomérations -y compris ceux de grandes villes qui disposent de services techniques importants- à confier le transport public à des sociétés privées, au lieu de les gérer directement. De toute façon, c'est une mauvaise affaire pour la population: qu'elles se fassent concurrence ou qu'elles s'entendent pour se partager le butin, les ex-Vivendi et compagnie ont pour objectif de prélever une rente sur le fonctionnement des services publics.