L’essence du problème17/08/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/08/une1933.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

L’essence du problème

L'augmentation de 16% du prix des carburants en un an n'attriste pas tout le monde. Tous les groupes pétroliers internationaux ont affiché, grâce à cela, des bénéfices en hausse considérable en 2004: BP (+26%), ExxonMobil (+18%), Shell (+48%). Le groupe français Total a annoncé quant à lui un accroissement de ses bénéfices de 23% par rapport à l'année précédente. De Villepin a fini par sortir de son silence face à cette flambée des prix des carburants qui s'est encore accentuée cet été, mais s'est contenté de vagues déclarations pour l'avenir. Le gouvernement n'envisage évidemment pas un seul instant de taxer davantage Total et ses semblables. L'État se contente d'encaisser les sommes supplémentaires considérables qu'il récupère ainsi.

Le Parti Socialiste, qui a trouvé là un sujet grâce auquel il peut jouer les opposants sans prendre d'engagement précis, s'est prononcé pour le retour au système de la TIPP flottante (taxe intérieure sur les produits pétroliers) que le gouvernement Jospin avait institué en 2001, lors d'une précédente flambée du cours du pétrole, et qui fut supprimé un an après par Raffarin. Par ce système, en diminuant la TIPP en cas de forte hausse des carburants, l'État laissait aux consommateurs un peu de ce qu'il encaissait en plus.

Mais parmi les alliés du PS, tout le monde n'est pas d'accord avec cette proposition. Les Verts, par la voix de l'adjoint à la mairie de Paris Denis Baupin, qualifient cette mesure de «contre-productive», parce qu'elle «inciterait les consommateurs à maintenir une forte consommation», et plaident seulement pour une amélioration des transports en commun.

C'est d'ailleurs vrai que ceux-ci sont nettement insuffisants. Mais les Verts ont participé au gouvernement Jospin de 1997 à 2002. Ils sont présents dans nombre de conseils municipaux. S'ils avaient fait quelque chose pour améliorer les transports en commun, cela se verrait. À Paris, tout comme la droite avant eux, ils se sont ingéniés à rendre l'accès au centre-ville plus difficile et plus coûteux pour les banlieusards qui viennent y travailler, c'est-à-dire la majorité de ceux qui travaillent à Paris, sans améliorer en contrepartie les transports en commun.

Des millions de salariés emploient tous les jours leur voiture pour se rendre à leur travail, et ils n'ont souvent pas d'autre choix, parce que dans les grandes agglomérations les transports en commun sont insuffisants et parce que la spéculation immobilière les a poussés vers des banlieues de plus en plus lointaines et de moins en moins accessibles. Beaucoup ne gagnent que le smic. Pour les petits salaires, cette explosion du prix des carburants va rendre la vie encore plus difficile.

Quant à dire que cette augmentation est une bonne chose parce qu'elle va encourager les consommateurs à rouler moins, ce que prétend aussi de Villepin, c'est une ânerie. Les travailleurs qui n'ont pas le choix paieront seulement plus cher. Les riches qui ont les moyens ne s'arrêteront pas devant la hausse des carburants: il n'est que de voir le succès commercial que remportent actuellement les gros 4x4 tout-terrain (mais plus souvent utilisés pour frimer dans les centres-villes qu'à la montagne), capables de brûler 20ou 30 litres aux 100 kilomètres.

Le pétrole ne constitue certes pas une énergie inépuisable (même si les gisements connus sont encore loin d'être épuisés), et une société qui se donnerait pour but l'utilisation rationnelle des ressources de la planète, y compris pour les générations futures, devrait faire des choix en matière de consommation et de sources d'énergie. Mais ce n'est pas ainsi que le problème se pose aujourd'hui. La course au profit est la seule règle des capitalistes. C'est celle que respectent et appliquent les gouvernements à leur service, quelle que soit leur couleur politique. Et toutes les mesures préconisées par les hommes politiques partisans de «l'économie de marché», c'est-à-dire du système capitaliste, aboutissent immanquablement à faire supporter les conséquences de cette gestion égoïste à la population laborieuse, soit en bloquant les salaires, soit en laissant augmenter librement prix et profits.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 16 août

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