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- Lutte ouvrière n°1929
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Dans les entreprises
Saint-Martin de Crau (Bouches-du-Rhône) : - Les saisonniers agricoles en grève ont fait reculer leur patron
Après une semaine de grève, 240 saisonniers marocains et tunisiens, employés pour ramasser les pêches et les abricots du plus gros producteur de fruits des Bouches-du-Rhône, ont voté la reprise du travail après avoir fait partiellement reculer leur patron.
Ils s'étaient mis en grève mardi 12 juillet pour demander notamment le paiement de toutes les heures supplémentaires qui leur sont dues. Le patron leur doit entre 1500 et 3000 euros. Quand, en réponse aux travailleurs qui réclamaient leur dû, il a déclaré : «Faites ce que vous avez à faire, je ferai ce que j'ai à faire», ceux-ci se sont mis en grève.
Cette fois, c'est devant le préfet qu'il a promis de verser une partie de ces heures, 700 euros, fin juillet avec la paie et le reste avec la paie de la fin août. Il s'est engagé aussi à supprimer le prélèvement de 62 euros mensuels censé payer l'hébergement... ou autre chose! Enfin, entre autres, les conditions d'hébergement doivent être améliorées. La préfecture doit reloger les salariés tunisiens qui vivaient dans les pires conditions. Enfin il leur a été garanti devant le préfet que leurs contrats de travail seraient renouvelés en 2006.
À travers deux sociétés, la Sédac et Procos, un même patron exploite 1700 hectares sur lesquels il emploie des travailleurs marocains d'un côté et tunisiens de l'autre, avec la complicité de l'État, au travers de l'OMI (Office des migrations internationales). Cet organisme officiel délivre des permis de travail valables de six à huit mois à des étrangers non communautaires, pour le plus grand bénéfice des patrons.
Dans la haute saison, la durée quotidienne du travail est de 10 heures par jour, six jours sur sept. Seules 154 heures de travail mensuel sont payées, soit un salaire de l'ordre de 880 euros. Par exemple, plusieurs saisonniers qui viennent depuis plus de quinze ans travailler chez ce patron, n'ont rien reçu pour plus de 300 heures supplémentaires effectuées lors de la saison 2004 et en 2005. Il n'est d'ailleurs pas tenu compte de l'ancienneté.
En revanche, le patron n'oublie pas les retenues sur la paie, se rapportant à de prétendus avantages en nature, dont le logement, en réalité un hébergement sordide et insalubre. En plus, c'est aux salariés de payer leurs vêtements de travail. Ils doivent acheter les outils qu'ils utilisent comme le sécateur. Pour atteindre les fruits, ils montent sur des cagettes empilées au risque de tomber. Et pourquoi le patron fournirait-il ne serait-ce qu'un escabeau puisque, de toute façon, il ne déclare pas les accidents de travail? Ces travailleurs ne disposent pas non plus de protection contre les produits toxiques qu'ils pulvérisent sur les cultures.
Quand il faut aller d'une propriété à une autre, ce qui, à pied peut demander deux heures, le patron ne fournit pas de véhicule. À toute demande, il répond « démerde-toi».
En grève depuis mardi 12, les ouvriers agricoles ont été aidés par la CGT. Ils se sont groupés au bord de la nationale très fréquentée qui passe à Fos-sur-Mer. Ils ont vite été salués de grands coups de klaxons des voitures et des poids-lourds. Nombreux sont ceux qui se sont arrêtés pour verser un peu d'argent. Dimanche 17, des ouvriers agricoles d'autres exploitations ont rejoint les grévistes pour une manifestation qui a regroupé environ 700 personnes.
Pendant ce temps, les pêches mûrissaient dans les vergers, au grand dam du patron qui versait des larmes (c'est une habitude chez lui dès qu'il est question d'argent). Ce conflit a rendu le préfet assez soucieux pour qu'il retarde ses congés et participe aux discussions.
Et les ouvriers espèrent que les engagements pris en sa présence seront, cette fois-ci, tenus. Ils sont heureux d'avoir prouvé que cette toute-puissance et ce mépris patronal pouvaient être combattus. Fiers d'avoir montré qu'il fallait tenir compte d'eux, qu'on ne pouvait pas se permettre de les traiter ainsi.
Le comportement de ce patron des Bouches-du-Rhône est loin d'être isolé. Chaque année, 4 à 5000 contrats OMI sont signés pour ce département, et, cette année, 13500 en France. Après avoir, pour le principe, déposé une offre d'emploi auprès de l'ANPE, un patron peut s'adresser au service du ministère du Travail qui l'autorise à faire venir des travailleurs d'un pays ayant un accord avec le gouvernement français, comme le Maroc ou la Tunisie. Le travailleur est choisi nommément par l'employeur, il ne dispose pas de carte de travail et n'est autorisé à venir en France que pendant la durée de son contrat, six à huit mois. Il n'aura ensuite que dix jours pour retourner dans son pays. Il est donc livré au patron, qui peut se permettre de faire du chantage au réemploi pour l'année suivante.