Srebrenica : Les pleurs hypocrites des représentants des grandes puissances!15/07/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1928.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Srebrenica : Les pleurs hypocrites des représentants des grandes puissances!

Des cérémonies ont eu lieu lundi 11 juillet pour commémorer le massacre de Srebrenica, qui a eu lieu il y a dix ans dans cette petite cité au coeur de la Bosnie, dans l'ex-Yougoslavie, déchirée entre les différents nationalismes.

Le 11 juillet 1995 en effet, cette enclave «sous protection de l'ONU» où s'étaient réfugiés 42000 Bosniaques qualifiés de «Musulmans» -ce qui était considéré comme une nationalité dans l'ex-Yougoslavie- tombait aux mains des forces armées serbes. Ces dernières tuèrent alors de manière systématique tous les hommes en âge de combattre, soit 8000 personnes. 40000 autres, principalement des femmes et des enfants, furent déportées. Dans son allocution lors de la commémoration, l'Américain Richard Holbrooke, l'un des artisans des accords de paix de Dayton, a déclaré: «Srebrenica n'aurait jamais dû arriver. Srebrenica a été un échec de l'OTAN et des soldats de la paix de l'ONU, et une tragédie que l'on n'aurait jamais dû laisser arriver.» Ce type de déclaration, qui ne coûte pas grand-chose aux grandes puissances aujourd'hui, est pourtant d'une hypocrisie de la plus belle eau.

Aujourd'hui comme à l'époque, il est de bon ton de prétendre que les grands pays européens ainsi que les États-Unis ont fait preuve «d'impuissance» face à une guerre qui les dépassait. Mais cette prétendue impuissance masquait surtout les rivalités entre les grandes puissances, principalement entre la France, l'Allemagne et l'Angleterre. Le véritable ciment de cette coalition était que les principales puissances impérialistes européennes tenaient à être présentes dans les Balkans à la fin du conflit -lorsque les nationalistes de tous bords parviendraient à un accord- de manière à profiter des marchés qui s'ouvriraient alors. Si les grandes puissances n'ont jamais été les spectatrices passives de la décomposition de la Yougoslavie, elles ont par contre largement contribué à son éclatement. Ainsi dès le début, en 1991, lorsque la Slovénie et la Croatie déclarèrent leur indépendance, l'Allemagne soutint le séparatisme des dirigeants de ces pays. La plupart des puissances occidentales s'empressèrent également de reconnaître ces nouveaux États, alors que les populations n'avaient en rien été consultées. Pourtant, d'emblée, les conséquences étaient prévisibles; le dirigeant croate Tudjman déclarait que «la Croatie était l'État des Croates», affirmant ainsi sa volonté de chasser la fraction serbe de son territoire.

Quant à la France, si elle défendait formellement l'unité de la Yougoslavie, peu lui importait que cette unité se fît sous la houlette du dirigeant serbe Milosevic, pour qui ce n'était qu'une façon de défendre son propre nationalisme serbe. Au fond, l'État français était fidèle à sa politique traditionnelle d'alliance avec la Serbie, datant d'avant la Première Guerre mondiale. Ce n'est pas d'hier en effet que date l'intervention des grandes puissances pour faire et défaire les frontières des Balkans, en fonction des rapports de forces entre les impérialismes rivaux. Elle a été constante et particulièrement dramatique dans cette région aux populations entremêlées.

Quand la guerre se déclencha, à partir de 1991, c'est en Bosnie-Herzégovine, région composée d'ethnies différentes (49% de Musulmans, 30% de Serbes, 7% de Croates et 11% qui ne se reconnaissaient dans aucune nationalité) qu'elle fut la plus atroce. Là, d'emblée, la logique qui prévalut fut celle de la purification ethnique.

Le massacre de Srebrenica a frappé l'opinion par son ampleur, mais il a été précédé de nombreux autres, sous l'oeil complaisant des grandes puissances. Les accords de Dayton, imposés à la fin de la guerre à la Bosnie par les grandes puissances, n'ont fait qu'entériner le nouveau rapport de forces entre les Serbes, les Croates et les Musulmans, sous la forme d'un partage en trois zones homogénéisées par les méthodes de la purification ethnique. Ainsi «l'intervention» des grandes puissances sur le terrain s'est résumée à asseoir le dirigeant serbe Milosevic et ses alliés, ainsi que le président croate Tudjman, tous responsables de massacres. Quatre ans plus tard, en 1998, les grandes puissances intervenaient militairement, cette fois contre le même dictateur Milosevic avec lequel elles avaient traité. À ce moment, en attaquant le Kosovo, celui-ci remettait en cause l'équilibre de cette région. Les bombardements massifs de la Serbie par les grandes puissances n'ont guère aidé les Kosovars, accélérant au contraire le processus de purification ethnique dans toute la région.

Dix ans après Srebrenica, les dirigeants des grandes puissances feignent de regretter de n'avoir pas empêché les massacres. Mais tout au long de cette guerre atroce, leurs différentes «interventions» ont contribué à creuser le fossé entre les peuples et à entériner la partition de cette région, en y laissant derrière elles la base d'autres conflits ultérieurs.

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