Impôt de solidarité sur la fortune : Pleure pas la bouche pleine!15/07/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1928.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Impôt de solidarité sur la fortune : Pleure pas la bouche pleine!

Dans les rangs de la majorité, on s'agite beaucoup ces jours derniers autour de l'ISF (Impôt de solidarité sur la fortune). Après que des députés UMP eurent demandé sa réforme, de Villepin a déclaré que cela «n'était pas à l'ordre du jour». Ces propos ont aussitôt été nuancés par Thierry Breton, le ministre de l'Économie, qui promet qu'une évaluation de ses inconvénients sera faite d'ici la fin de l'année.

Créé en 1988 par le gouvernement Rocard qui disait vouloir ainsi financer le RMI, l'ISF s'applique aux contribuables qui possèdent plus de 732000 euros en patrimoine immobilier. Ils peuvent par ailleurs posséder d'autres richesses qui n'entrent pas en compte dans le calcul de l'ISF. Sont exonérés en effet les oeuvres d'art, les antiquités et objets de collection, les biens professionnels de certaines sociétés, ainsi que différentes rentes ou placements financiers. 335000 personnes y sont actuellement assujetties et, du fait de l'enrichissement de certains mais aussi des hausses démesurées des prix des logements, leur nombre augmente chaque année.

Depuis sa création, cet impôt est toujours resté en travers de la gorge des plus fortunés, qui n'ont pas cessé de mener la fronde contre lui. Ils le font d'autant plus aujourd'hui qu'ils sont certains de trouver des oreilles complaisantes dans les rangs gouvernementaux. Ainsi, certains avancent que l'ISF coûterait plus qu'il ne rapporte, parce qu'il provoquerait une «fuite des fortunes» à l'étranger. Jean Arthuis, sénateur UDF et ancien ministre de l'Économie, s'indigne de ce que «chaque jour, au moins une fortune quitte le territoire national pour échapper au poids de ces contributions». À supposer que cela soit, il faudrait quand même mille ans pour que toutes les «fortunes» s'expatrient à la recherche de paradis fiscaux!

Un exemple largement repris par les médias pour montrer combien cet impôt serait «injuste» est celui des habitants de l'île de Ré. En effet, du fait de la spéculation immobilière, d'anciens terrains agricoles y sont devenus constructibles et ont vu leur valeur croître de façon vertigineuse. Il en va de même pour les maisons, très prisées par les riches vacanciers à la recherche de résidences secondaires. On en arrive alors à voir de simples pêcheurs, agriculteurs ou commerçants obligés de payer plus pour l'ISF que ce qu'ils perçoivent comme revenu ou retraite! On cite aussi l'exemple des centres des grandes villes, plus particulièrement à Paris, où des gens aux revenus modestes peuvent occuper un appartement dont ils ont hérité il y a plusieurs générations, et qui a vu sa valeur s'envoler suite au boom de l'immobilier.

Mais ces exemples ne sont brandis que pour cacher le vrai problème. Ces gens-là ne forment qu'une infime minorité des contribuables assujettis à l'ISF, et si la préoccupation principale du gouvernement était de réparer l'injustice dont certains sont victimes, il lui serait facile de trouver une solution en corrigeant certaines évaluations. En fait, le gouvernement se moque bien des agriculteurs de l'île de Ré ou de quelques propriétaires modestes exagérément taxés. Son vrai souci est de «faire un geste» envers les plus riches, ceux qui sont assujettis à l'ISF pour de bonnes raisons: parce qu'ils possèdent un confortable magot. Et le petit pas de deux entre le chef du gouvernement et son ministre n'est là que pour la parade, afin de ne pas avoir l'air de céder trop vite. Ce qui prouve au moins qu'ils savent fort bien que cela ferait mauvais effet auprès d'une grande partie de la population, trop pauvre même pour être assujettie à l'impôt sur le revenu!

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