Grande-Bretagne : Un terrorisme ne peut en justifier un autre15/07/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1928.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Un terrorisme ne peut en justifier un autre

Cinquante-deux morts et plus d'une centaine de blessés: tel est le bilan officiel, bien qu'encore provisoire, des quatre attentats qui se sont produits le 8 juillet, à Londres, entraînant la paralysie de la capitale britannique pendant toute une journée et un calvaire interminable pour des millions de salariés privés de moyens de transport dans toute l'agglomération du Grand-Londres.

Ces actes de terrorisme, aussi aveugles qu'ignobles, ne peuvent que susciter le dégoût. Et le fait que leurs auteurs -qui se sont présentés dans un communiqué comme la branche européenne d'Al-Qaïda- aient prétendu répondre à la guerre menée par l'armée britannique en Afghanistan et en Irak, en la portant sur le territoire anglais, ne change rien à l'affaire.

Car ce n'est même pas aux institutions de l'État, organe de l'impérialisme britannique, ni aux politiciens et généraux fauteurs de guerre, pas plus qu'aux magnats des affaires qui en bénéficient, que les terroristes s'en sont pris.

Au contraire, en plaçant leurs bombes dans trois rames de métro et un bus, en pleine heure de pointe du matin, alors qu'ils étaient bondés de salariés se rendant au travail, c'est à la population laborieuse que les terroristes ont choisi de s'en prendre, et en faisant en sorte de lui infliger le maximum de pertes. Que leur importe si les travailleurs britanniques n'ont jamais eu voix au chapitre dans la politique guerrière de Blair! Que leur importe même si, comble d'absurdité, ce sont ces mêmes travailleurs britanniques qui, parmi ceux de tous les pays impérialistes engagés dans l'invasion de l'Irak, ont manifesté le plus vigoureusement leur opposition à cette sale guerre!

Mais, pour les auteurs des attentats de Londres, viser la population laborieuse est un choix politique consistant à semer la terreur dans la population, dans l'espoir que le sang des victimes et la peur des survivants suffiront, un jour ou l'autre, à infléchir la politique du gouvernement Blair. Elle revient à reléguer les populations au rôle de chair à canon, instrument des surenchères sanglantes entre appareils militaires rivaux. C'est vrai de la politique des terroristes de Londres comme de celle des terroristes de Bagdad qui, chaque jour, assassinent des dizaines de chômeurs dont le seul crime est de chercher un emploi chez les seuls patrons qui embauchent -l'armée et la police.

De ce point de vue, le terrorisme de ces groupes intégristes ne se distingue guère, si ce n'est par l'importance des moyens mis en oeuvre, du terrorisme d'État des puissances impérialistes qu'il prétend combattre. Dans un cas comme dans l'autre, ce sont des politiques criminelles contre les populations.

Mais en plus, le terrorisme est une politique inefficace contre les puissantes machines étatiques de l'impérialisme. Loin de renforcer le camp des peuples opprimés qu'il prétend défendre, il risque de renforcer la position de dirigeants impérialistes prêts à toutes les démagogies pour entraîner leur opinion publique dans leurs aventures guerrières. Nul ne peut oublier que l'émoi créé par les attentats de New York a permis à Bush d'imposer à l'opinion publique américaine l'invasion de l'Afghanistan puis de l'Irak.

D'ailleurs, à peine la nouvelle des attentats de Londres était-elle connue, qu'on a pu voir Blair et ses ministres se succéder à la télévision pour célébrer «l'unité retrouvée» de la population britannique face au terrorisme. Sans doute Blair voudrait-il, lui aussi, pouvoir profiter de l'occasion pour mettre fin à la «fracture» causée dans l'opinion par sa participation à la guerre en Irak et asseoir sa politique impérialiste sur une union nationale qui jusqu'à présent lui faisait défaut.

Néanmoins, depuis plus de deux ans qu'à chaque bulletin télévisé les travailleurs britanniques voient la guerre d'Irak s'enliser dans un bain de sang quotidien, bon nombre d'entre eux en étaient venus à considérer Bush et Blair comme des sergents recruteurs pour le terrorisme intégriste. De là à en conclure que les terroristes qui avaient déjà frappé à New York et Madrid, et qui font chaque jour des dizaines de victimes en Irak, finiraient un jour ou l'autre par frapper en Grande-Bretagne, il n'y avait qu'un pas que beaucoup ont franchi. Il n'est donc pas dit que Blair parvienne à recruter les morts du 8 juillet pour les mettre, à titre posthume, au service de sa politique.

Et les travailleurs britanniques auraient raison de ne pas tomber dans ce piège de la démagogie de la peur où Blair voudrait les entraîner. Car contrairement à ce que prétendent Bush, Blair et tant d'autres dirigeants impérialistes, y compris en France, le pire des fléaux aujourd'hui n'est pas celui du terrorisme, intégriste ou autre. C'est celui d'un système d'exploitation à l'échelle de la planète qui, en alimentant la pauvreté, l'oppression et le désespoir, engendre, parmi bien d'autres sous-produits empoisonnés, le terrorisme et l'intégrisme. C'est de ce système, le système capitaliste, qu'il est plus que jamais urgent de débarrasser la planète.

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