Quand est-ce qu’on retourne le karcher ?30/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1926.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Quand est-ce qu’on retourne le karcher ?

Il n'aura pas fallu longtemps à Sarkozy pour récupérer à son profit la mort par balles d'un enfant de La Courneuve, en banlieue parisienne. En quelques heures, pendant que ses troupes montraient leurs godillots dans la cité où a eu lieu le drame, le premier flic de France a envahi radios et télévisions de sa hargne, son mépris et sa promesse de «nettoyer au karcher la cité des 4000».

Cette posture de cow-boy de cour d'école devient permanente chez lui. Il y a quelques semaines, on avait eu droit à la même mise en scène à Perpignan, après des affrontements entre bandes. Là déjà, Sarkozy était venu rouler des mécaniques devant les caméras, avant de les rentrer rapidement au ministère. C'est que le matamore du gouvernement ne met les pieds dans les cités difficiles que le temps qu'elles servent de décor à ses poses, puis la abandonne à leurs problèmes de misère et de violence, dont il se moque royalement.

Derrière cette surenchère sécuritaire, qui pointe hypocritement du doigt les populations immigrées, il y a bien sûr les minables calculs d'un politicien qui dégouline d'ambitions personnelles. Il y a aussi, plus sérieusement, la volonté collective du gouvernement d'afficher une attitude «ferme» pour plaire à la partie la plus réactionnaire de l'électorat. Après le bide du référendum sur la constitution européenne, l'équipe de Chirac envoie des messages aux électeurs qui ont dit Non par préjugé nationaliste, ou raciste. Tout le monde voit bien qu'il cherche tout particulièrement à concurrencer LePen ou de Villiers. Mais cette poussée sécuritaire sert aussi de diversion à un autre aspect de la «nouvelle impulsion» promise par Chirac après son référendum raté: l'attaque contre le droit du travail que mène de Villepin au nom de sa prétendue campagne pour l'emploi.

La mesure la plus provocatrice proposée par le Premier ministre est ce contrat «nouvelle embauche», grâce auquel les patrons pourraient imposer une période d'essai de deux ans à leurs salariés. Deux ans durant lesquels les travailleurs seraient licenciables du jour au lendemain, sans que leur employeur ait à fournir le moindre prétexte. Deux ans durant lesquels ils seraient privés de ce que les conventions collectives accordent aux CDI. Nouvelle embauche? Ou nouvelle débauche en faveur du patronat?

Le gouvernement a d'abord parlé de limiter ces contrats aux «très petites entreprises» (TPE) de moins de dix salariés. Il serait maintenant question d'en faire aussi profiter les patrons employant jusqu'à 20 personnes. Et Borloo, ministre du travail interrogé sur la question, a répondu par la boutade: «Les très petites entreprises, c'est 50, 250 salariés...» De l'humour de ministre, sans doute, mais un aveu des intentions de fond du gouvernement quant au droit du travail.

Les autres mesures gouvernementales sont de la même eau, comme la suppression de la taxe sur les licenciements des salariés de plus de 50 ans. Le prétexte est encore de faciliter l'embauche, alors qu'il s'agit en réalité d'encourager la précarité... et de glisser une gâterie supplémentaire dans la hotte pourtant débordante des cadeaux fiscaux au patronat.

Les deux aspects de la politique du pouvoir chiraquien sont bien liés. Pendant que Sarkozy promet le karcher aux habitants des cités, et manie la xénophobie, de Villepin détricote encore un peu plus le droit du travail. Encore une louche de flics et encore une de précarité! Le moins qu'on puisse dire est que la défaite de Chirac au référendum sur la constitution européenne n'a pas représenté un recul de sa politique contre les travailleurs!

Mais puisque les urnes ne réservent que ce type de résultat, il va bien falloir essayer autre chose.

Bref reprendre sérieusement le chemin des luttes collectives.

Éditorial des bulletins d'entreprise «L'Étincelle», du lundi 27 juin 2005, édités par la Fraction.

Partager