Les bureaux du ministre perquisitionnés : Un gestionnaire ordinaire du capitalisme30/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1926.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les bureaux du ministre perquisitionnés : Un gestionnaire ordinaire du capitalisme

Pendant plusieurs heures, la brigade financière de la police a procédé à une perquisition dans les bureaux du ministre de l'Économie, Thierry Breton. Dans le même temps et pour la même affaire, les bureaux de la direction de la société Rhodia étaient eux aussi perquisitionnés.

Des juges d'instruction enquêtent, à la suite de plaintes déposées par des actionnaires, sur d'éventuelles malversations qui se seraient produites autour de cette société. Et il se trouve que, de 1998 à 2002, Thierry Breton avait la charge de vérifier la régularité des comptes et des opérations réalisées au sein de Rhodia.

L'affaire remonte à la création de cette société en 1998, qui regroupa une partie du patrimoine industriel de l'ex-Rhône-Poulenc, devenu Aventis, puis Sanofi-Aventis. Par un tour de passe-passe dont les dirigeants des grands groupes industriels sont coutumiers, les dirigeants de l'ex-Rhône-Poulenc ont transféré dans cette nouvelle société une série d'usines et de sites à dépolluer à travers le monde, ce qui leur évitait de financer ces opérations très coûteuses. Qui plus est, ils ont laissé à la charge de Rhodia le financement, très coûteux lui aussi, des retraites. Cela a permis d'arrondir les dividendes distribués aux actionnaires et de garantir à ces derniers le maintien d'un cours élevé pour les actions du groupe reconcentré.

Rhodia a été en quelque sorte créé pour recueillir les dettes, et Aventis, puis Sanofi-Aventis, les bénéfices. Outre les salariés qui, comme à chaque fois, ont été les premières et principales victimes de combines, les nouveaux actionnaires n'ont pas été mis au courant de ces arrangements. Et ce sont eux, dont certains sont richissimes, qui ont introduit à partir de 2003 différentes plaintes visant d'abord Sanofi-Aventis, à qui il fut réclamé près de trois milliards d'euros de compensation. Cette dernière a évidemment refusé de verser le moindre centime pour financer ses magouilles.

Les différentes autorités ne sont pas restées inactives dans cette affaire. Tout d'abord il y a eu des pressions plus ou moins fortes pour inciter les plaignants fortunés à retirer leurs plaintes. Quant au gendarme de la bourse, l'AMF, il a décidé en mars 2005, un mois après la désignation de Breton au poste de ministre de l'Économie, d'entreprendre des poursuites contre Rhodia, mais pour la période qui a suivi octobre 2002, celle où Thierry Breton n'avait plus de fonctions au sein de Rhodia. Cette bienveillance calculée, par un organisme placé sous la haute autorité dudit ministre, a provoqué un tollé vite étouffé.

Il semble d'ailleurs que siéger au conseil d'administration soit une sinécure grassement payée (environ 50000 euros) pour quelques petites heures de réunion par an. Francis Mer, le prédécesseur de Breton au poste de ministre de l'Économie, y siège actuellement.

Mais pour Breton, dont le rôle ne se limitait pas à siéger, ce n'était qu'une activité annexe. Il avait été à la même époque désigné par les pouvoirs publics à la tête de Thomson multimédia, puis désigné par Martin Bouygues à partir de 2002 au conseil d'administration de Bouygues Télécom, pour être ensuite nommé, toujours par le gouvernement, à la tête de France Télécom.

Au moment de sa nomination comme ministre de l'Économie, Breton bénéficiait donc d'une rémunération à France Télécom de deux millions d'euros par an. Il siégeait aussi, avec les émoluments correspondants, au conseil d'administration de six grosses sociétés, celles déjà citées, auxquelles il faut ajouter Schneider électrique, Dexia et AXA.

C'est donc vraiment un homme du sérail capitaliste, mêlé à pas mal de combines, qui a été choisi pour occuper le poste de ministre de l'Économie.

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