Le Front National en visite à Matignon30/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1926.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le Front National en visite à Matignon

Lundi 27 et mardi 28 juin, le Premier ministre Dominique de Villepin avait invité les chefs de file des partis politiques à «tirer les leçons» du référendum du 29 mai, au sujet de la Constitution européenne, qui s'est soldé par le succès du «non».

Cette invitation était étendue à des formations n'ayant pas toutes une représentation au Parlement national, en l'occurrence le Front National à l'extrême droite, et LO et la LCR à l'extrême gauche. Ces deux dernières organisations, qui refusent de se prêter à un cérémonial qui n'a d'autre objet que de cautionner une «consultation» totalement bidon, avaient décliné l'invitation. En revanche le Front National, qui n'avait pas mis les pieds à Matignon depuis 1994, a saisi l'occasion qu'il a considérée comme une reconnaissance de sa représentativité.

Ses représentants, Lang et Martinez, ont rappelé leur rejet xénophobe d'une adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Ils ont dit également leur souhait de voir le président de la République Chirac, personnellement engagé dans la campagne du «oui», démissionner. Un point que le Premier ministre «ne s'est pas engagé à transmettre», ont-ils déclaré, en espérant «pouvoir venir plus souvent» en visite à Matignon!

Le choix de de Villepin d'inviter le Front National n'est pas neutre. Il s'inscrit dans la tactique de son parti, l'UMP, qui lorgne sur les voix des électeurs de Le Pen.

Les récentes déclarations de Sarkozy, évoquant l'usage du «karcher» pour nettoyer une cité de La Courneuve, sont un appel appuyé aux électeurs du Front National. Sarkozy, dont les ambitions présidentielles sont connues, brigue les voix des électeurs du FN. Mais de Villepin est aussi en concurrence avec Sarkozy, et il n'est pas impossible que cette invitation s'inscrive également dans le cadre de cette concurrence. Ce qui promet pour la suite.

Quant aux dirigeants du FN, ils disent voir dans ce qu'ils appellent la «sous-lepénisation verbale» de Sarkozy un avantage, celui du «recentrage du FN dans la vie politique française». En clair, ils veulent y voir leur réintégration dans le giron de la droite parlementaire classique. Ce qui procède, peut-être, d'un calcul politicien assez voisin de celui de leurs frères ennemis de l'UMP: celui de vouloir, à leur tour, tirer bénéfice de leur portion de gâteau électoral.

Le secrétaire national du Parti Socialiste, François Hollande, a choisi, pour se démarquer de l'invitation du FN à Matignon, de bouder l'invitation de de Villepin, sans faire cependant école auprès de ses partenaires habituels de l'Union de la gauche. Verts, radicaux et PCF ont tous préféré se rendre à la convocation du Premier ministre, ce qui aura au moins permis à Hollande de faire son original.

Il est vrai qu'en matière de «leçons du référendum», il n'avait rien de bien différent du Premier ministre à professer. Les dirigeants de la droite et de la gauche du «oui» ont très largement montré, avant, pendant et après le référendum, que, fidèles soutiens, dans cette Union européenne, des industriels et des banquiers, ils avaient beaucoup en commun.

Selon les déclarations de Hollande pour expliquer son geste, les invitations de de Villepin et les rodomontades de Sarkozy proviendraient «d'une stratégie concertée», non seulement entre de Villepin et Sarkozy, mais également avec Chirac. Et il croit également avoir compris que Sarkozy aurait des ambitions présidentielles. Mais où Hollande va-t-il donc chercher tout cela?

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