Kodak – Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) : Fermeture programmée d’ici deux à cinq ans30/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1926.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Kodak – Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) : Fermeture programmée d’ici deux à cinq ans

L'usine Kodak de Chalon-sur-Saône fabrique des produits destinés à la photographie traditionnelle. Même si, au gré des plans de licenciements qui se sont succédé, les effectifs sont passés de 3200 en 1991 à 1800 aujourd'hui, elle reste encore la plus grande entreprise du département, une des plus importantes de la région Bourgogne depuis les restructurations du groupe Creusot-Loire dans les années 1980. L'année dernière, la direction a décidé un plan de 380 suppressions d'emplois, qui vient de se terminer. Mais ce n'était qu'un début: il y a quelques semaines, le PDG a annoncé par voie de presse qu'il prévoyait même la fermeture de l'usine d'ici deux à cinq ans, prétextant la chute des produits de la photographie argentique au profit du numérique. Cette annonce a provoqué un choc chez les salariés et, plus généralement, dans la population de l'agglomération chalonnaise. Et tout dernièrement, le 23 juin, la direction dévoilait un nouveau plan de 370 licenciements. En même temps, elle multiplie les actions pour tenter de neutraliser toute possibilité de réaction collective.

Différentes mesures ont été prises au cours de ces deux derniers mois. Tous les cadres ont d'abord dû suivre une formation pour apprendre à dresser des bilans de compétences, à rédiger des curriculum vitae, à s'adresser à nous pour nous convaincre de commencer à chercher du travail ailleurs. Puis un soutien psychologique a été offert à ceux qui le solliciteraient. Ensuite, nous avons tous été convoqués par petits groupes à des réunions baptisées «bilans employabilité», dans lesquelles les DRH tentaient de prendre la température et de convaincre les sceptiques qu'il était temps d'envisager un nouvel avenir professionnel. Dans le même temps, un «centre espace emploi» était monté dans un bâtiment, telle une annexe de l'ANPE, avec des conseillers venus d'un cabinet spécialisé dans les restructurations pour nous renseigner sur les démarches à effectuer.

Autre cheval de bataille de la direction: la réindustrialisation du site. Kodak tente en effet de vendre des secteurs de la production à des entreprises qui seraient intéressées, ou simplement des bâtiments, des machines, et les ouvriers qui y travaillent. À ce jour, seule une entreprise de contrôle qualité a racheté une partie du Centre de Recherche, avec une quinzaine d'employés, et des tractations sont en cours avec une entreprise qui reprendrait peut-être l'atelier Plasturgie, où travaillent une vingtaine d'ouvriers.

Autant dire que personne ne croit à cette tentative de réindustrialisation. Mais pour le moment, la majorité des salariés font le gros dos, en attendant une annonce claire, tout en espérant que Kodak continue encore le plus longtemps possible.

Aucune réaction n'a été programmée par les syndicats, en dehors des appels à participer aux journées d'action nationales de la CGT les 9 et 21 juin, très peu suivies d'ailleurs. Le climat n'est pas à la lutte aujourd'hui. Pourtant, la fermeture de Kodak représentera une catastrophe au niveau local, susceptible de déboucher sur un dur conflit, comme il s'en produit parfois dans des villes où la seule grosse usine ferme, lorsque les travailleurs ont le dos au mur. Et cela, la direction ne l'ignore pas.

Comme l'a écrit dans son dernier tract le Syndicat Démocratique Kodak (un syndicat non reconnu par la direction, fondé par des militants exclus de la CGT en 2002): «Si la direction retrousse les manches et sort beaucoup, c'est parce qu'il y a un autre aspect des choses dont elle est bien consciente: c'est que la fermeture de Kodak est un vrai désastre. (...) Des catastrophes industrielles, la région en a connu plusieurs depuis vingt ans. Mais (...) depuis toujours, Kodak a donné l'image d'un groupe puissant, aux reins solides, la grosse entreprise de la région, où on est assez bien payé, avec des possibilités d'évolution, avec une direction "à l'américaine" qui encourage la participation de ses salariés. (...) Mettre dehors 1 800 personnes qui ont vécu pendant des années avec cette image d'elles-mêmes dans tout leur environnement (...) cela peut être explosif.»

La direction veut donc tout faire pour atomiser les travailleurs, en essayant d'en pousser vers la sortie, en essayant de vendre des bouts d'ateliers à d'éventuels repreneurs, en incitant chacun à entamer une démarche individuelle pour «quitter le navire». Mais il n'est pas dit qu'elle y parvienne. Car nous sommes toujours près de 1800 travailleurs, encore au coeur d'une production qui rapporte beaucoup d'argent à Kodak.

Partager