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Leur société
Un enfant assassiné à La Courneuve : Et Sarkozy fait sa campagne
Le 11 juin, un enfant de onze ans a été tué par balles dans une cité de la Courneuve pour avoir eu le malheur de se trouver entre deux bandes de voyous qui réglaient leurs comptes. Dès le lendemain, Sarkozy débarquait dans la cité avec une ribambelle de caméras et de journalistes convoqués par son service de presse.
"Les voyous vont disparaître. Je vais mettre les forces de police qu'il faut. On va nettoyer La Courneuve, au sens propre comme au figuré", s'exclamait alors le futur candidat à l'élection présidentielle en quête des voix de la fraction la plus réactionnaire de l'électorat. Le surlendemain, une compagnie de CRS, des dizaines de policiers du Raid encagoulés, sans compter ceux de la sécurité publique, tombaient sur la cité à la recherche des meurtriers.
Il faudra cependant tout autre chose que ces démonstrations mises en scène pour les journaux télévisés pour mettre fin à la délinquance qui sévit dans les cités où habite la fraction la plus pauvre de la population.
La recette de Sarkozy, le plus de police, n'est pas nouvelle. Elle fut de toutes les campagnes électorales. En 1995, contre la "fracture sociale" il y eut la promesse de Chirac d'un "plan Marshall pour les banlieues" avec tout son appareil de gadgets pour la police. En 2002, ce furent de nouveau les mêmes propositions sur le thème de l'insécurité, traduites en flashballs, gilets pare-balles et promesse de renforcement des effectifs de police. Mais rien n'y a fait. Et le "nettoyage" de La Courneuve auquel en appelle Sarkozy n'y ferait rien non plus mais séduit tous ceux à qui cela rappelle le "nettoyage" ou le "ratissage" de l'armée pendant la guerre d'Algérie ou celle d'Indochine et pour qui Sarkozy réveille ainsi bien consciemment de vieux fantasmes.
C'est vrai que la vie est de plus en plus impossible dans certaines cités de banlieue, dans certains quartiers défavorisés où des petits caïds s'adonnent à la revente de drogue et autres trafics en tous genres. La population de ces quartiers voudrait bien que les forces de police empêchent ces voyous de nuire. Mais ce ne sont pas les étalages de biceps du Rambo-Sarkozy, pas plus que les précédents, qui régleront le problème.
Au moment où Sarkozy vient faire le beau à La Courneuve, l'État se désengage de cette ville ouvrière comme de bien d'autres. Ainsi, le quartier où l'enfant a été tué, la cité des 4000, est en cours de rénovation. Des barres d'immeubles ont déjà été détruites et celle où habitait le jeune garçon doit l'être elle aussi. Depuis cinq ans, la population attend le démarrage de la construction d'immeubles HLM qui devraient permettre de reloger les locataires. Mais le Conseil municipal vient d'annoncer que les crédits permettant de démarrer ces travaux ont été reportés d'un an par l'État et qu'il n'y a aucune garantie qu'ils soient versés. Il a aussi annoncé que l'État vient de geler les subventions gouvernementales prévues pour faire vivre les associations de la ville, si bien qu'il n'y a aucune garantie qu'elles puissent continuer leurs activités d'ici à la fin de l'année. Ces associations qui permettent que subsiste une vie sociale et qui sont un barrage à la délinquance sont ainsi remises en cause par l'État lui-même.
On sait aussi très bien que le développement de la délinquance est directement lié à celui du chômage. Des centaines de milliers de jeunes, après avoir vécu toute leur enfance avec des parents eux-mêmes au chômage, n'ont jamais eu de travail régulier ni même, souvent, de travail du tout. Pour quelques-uns le pas est alors vite franchi qui les conduit à se transformer en dealers et autres revendeurs et à devenir des gredins. Et si nombre des autres les soutiennent, c'est parce qu'ils pensent aussi que la société ne leur offre aucun avenir, qu'elle les méprise, les condamne pour de simples larcins alors qu'elle acquitte les responsables de détournements qui se chiffrent en milliards.
Sarkozy peut promettre plus de policiers, comme le font tous les politiciens de son acabit depuis des années, sans d'ailleurs avoir vraiment les moyens ni de les fournir, ni de les former à autre chose qu'à jouer les cow-boys, souvent en aggravant encore la tension. Mais ces démonstrations à usage télévisuel ne feront pas reculer d'un pouce cette dégradation sociale à laquelle on assiste dans bien des banlieues.