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Liban : Combines politiciennes et assassinats
Les élections législatives se sont terminées au Liban le 19 juin et se soldent par l'obtention d'une majorité pour le bloc formé autour du parti de l'ancien Premier ministre assassiné, Rafic Hariri. Prenant la succession de son père, comme c'est la règle habituelle dans les clans politiques régnant au Liban, c'est son fils Saad Hariri qui apparaît ainsi comme le vainqueur de ces élections.
Après l'assassinat de Rafic Hariri victime d'un attentat le 14 février, c'est tout un bloc politique qui s'était formé, accusant la Syrie d'être responsable de l'attentat et demandant le départ de ses troupes et de ses services. On retrouvait dans ce bloc aussi bien l'extrême droite phalangiste que le "courant du futur" créé autour des héritiers Hariri, le leader druze dit de gauche Walid Joumblatt, et même la "gauche démocratique" issue d'une scission droitière du Parti communiste. Tous étaient d'accord pour faire campagne autour de l'idée que les maux du Liban dérivaient de la présence syrienne. Ce bloc, dit "mouvement du Bristol" du nom de l'hôtel cinq étoiles où il se réunissait, bénéficiait du soutien appuyé des puissances occidentales, notamment des USA et de la France, d'accord pour faire du régime de Damas, après celui de Saddam Hussein, le nouvel ennemi à abattre au Moyen-Orient.
Depuis, les troupes syriennes se sont retirées du Liban. Le spectacle des maquignonnages politiciens pour l'établissement des listes électorales semble avoir désenchanté une partie de ceux qui avaient manifesté dans la rue à l'appel du "groupement du Bristol". Les concurrents à celui-ci se sont montrés: tout d'abord le Hezbollah et le mouvement Amal, surtout présents dans la population chiite du Sud, ont remporté tous les sièges de cette région. Le général Aoun, autrefois connu comme anti-syrien, est rentré au Liban après quinze ans d'exil et a remporté tous les sièges de la montagne chrétienne en s'alliant avec... les clans chrétiens pro-syriens pour dénoncer les combines politiques du "groupe du Bristol"!
Le Liban reste donc entre les mains de divers clans ou mafias représentant les familles les plus riches, qui gouvernent le pays par leurs combines, et souvent par leurs réglements de comptes sanglants. La présence de la Syrie, dont les troupes avaient été appelées au Liban, justement, pour protéger les clans de la bourgeoisie libanaise qui s'estimaient menacés au cours de la guerre civile de 1975-1990, n'en est pas la seule responsable. Certains clans libanais sont notoirement liés à la Syrie, d'autres comme le clan Hariri à l'Arabie saoudite, aux États-Unis et à la France, et ils n'ont pas fini, visiblement, de se déchirer.
La méthode de l'assassinat politique, elle aussi, continue de sévir. Après celui de Samir Kassir le 2 juin, c'est l'ancien dirigeant du PC Georges Haoui qui a été assassiné le 21 juin à Beyrouth. L'un, journaliste de gauche connu (notamment en France par ses articles dans "le Monde diplomatique") était proche de la "gauche démocratique", et Georges Haoui avait lui aussi soutenu le "camp du Bristol". Cela permet d'incriminer les services syriens, mais ce n'est pas la seule explication possible.
Enfin, il faut encore ajouter à ces assassinats connus ceux d'une soixantaine d'ouvriers syriens, tués depuis le 14 février par des voyous et pris comme boucs émissaires de la politique de Damas. Après ces élections comme avant, avec ou sans les troupes syriennes, le Liban reste gouverné par des mafias dont le clan Hariri, enrichi dans la spéculation immobilière et propriétaire milliardaire d'une grande partie de Beyrouth, est le symbole. Les succès électoraux de ce type de politiciens permettent à la presse et aux dirigeants occidentaux de parler de "progrès de la démocratie". Mais pour la population libanaise, syrienne ou des autres pays arabes, cela n'en a vraiment pas la couleur.