La polémique sur le «chèque» britannique : Règlements de comptes à U.E. Corral15/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1924.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La polémique sur le «chèque» britannique : Règlements de comptes à U.E. Corral

Une fois les urnes rangées et passées les envolées lyriques sur les nobles valeurs qui président à la construction européenne, la réalité politique, plus prosaïque, reprend ses droits.

Affaibli par son référendum, Chirac a trouvé une occasion rêvée de repasser à l'offensive avec la discussion du budget européen. Pointant un doigt accusateur sur l'Angleterre, coupable selon lui d'égoïsme et de passe-droits, il a pris des poses de justicier soucieux de l'équité des contributions. Blair a immédiatement répondu sur le même terrain, et on peut s'attendre à d'âpres marchandages, dans lesquels ce sont les petits calculs de boutiquier qui compteront, et pas les grands idéaux.

Le budget européen est négocié tous les sept ans entre les États membres, et il donne immanquablement lieu à une foire d'empoigne, chacun défendant jalousement les intérêts propres de sa bourgeoisie nationale et faisant tout son possible pour recevoir le maximum tout en versant le minimum.

En 1979, juste après son accession au pouvoir, Margaret Thatcher avait exigé que la Grande-Bretagne, qui bénéficiait moins que les autres pays des subventions agricoles, principal poste de dépenses de l'Europe, soit remboursée d'une partie de sa contribution par les pays bénéficiaires de ces subventions. Faute de quoi, Thatcher avait menacé de bloquer les institutions européennes et de saborder les projets de Marché Unique, alors en cours de négociation. Finalement, en 1984, la Grande-Bretagne avait obtenu son fameux «chèque», qui réduisait des deux-tiers sa contribution nette au financement de l'Europe.

Chirac a donc voulu faire sur cette question d'une pierre deux coups: tout en tentant de faire oublier le revers subi au référendum pour redorer son blason aux yeux de l'opinion publique, il défend les deniers de l'État français (c'est-à-dire surtout ceux qui sont distribués aux plus riches). Quant à la réponse de Blair, inspirée par des préoccupations tout aussi politiciennes, après sa réélection peu glorieuse en mai dernier, elle consiste à rétorquer à Chirac: si l'on remet en cause le «chèque» britannique, il faut également rediscuter de la Politique Agricole Commune.

Sommet après sommet, budget après budget, la construction européenne apparaît pour ce qu'elle est: un compromis mouvant, fruit de laborieux marchandages et de rapports de forces entre des bourgeoisies trop faibles pour rester isolées, mais trop concurrentes pour s'unir réellement. Et tandis qu'au bon peuple, on sert des phrases ronflantes sur la paix et la démocratie, dans les coulisses, on s'écharpe sur la seule question qui compte: celle des gros sous.

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