Incendie dans le tunnel du Fréjus : Un accident aux conséquences prévisibles10/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1923.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Incendie dans le tunnel du Fréjus : Un accident aux conséquences prévisibles

Deux routiers ont péri dans l'incendie qui s'est déclenché samedi 4 juin dans le tunnel du Fréjus. Le ministre des Transports, Dominique Perben, s'est rendu le lendemain sur les lieux et s'est félicité que "le pire" ait pu être évité grâce à "l'amélioration des équipements de sécurité".

Certes, l'incendie d'un poids lourd, qui s'est ensuite communiqué à d'autres, a eu des conséquences moins dramatiques que celui du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999, qui avait fait 39 victimes. Différents aménagements, d'un montant de 56 millions d'euros, avaient été réalisés pour le sécuriser, et une réglementation plus stricte en matière de circulation des poids lourds mise en oeuvre. Bien que le tunnel du Fréjus, long de près de 13 kilomètres, soit considéré comme étant "le plus sûr" des tunnels alpins, les médias ont d'ores et déjà révélé des manquements à la sécurité, en particulier que les détecteurs de chaleur situés à l'entrée du côté français étaient toujours en cours d'installation... cinq ans après que l'incendie du tunnel du Mont-Blanc eut révélé leur importance! Le tunnel avait été équipé de refuges ventilés, à raison d'environ un par kilomètre. Or, les nouvelles normes en imposent un tous les 400 mètres. Si elles avaient été respectées, les deux routiers, retrouvés à proximité d'un abri, auraient vraisemblablement survécu.

Mais au-delà de la circulation dans les tunnels, où le moindre incident peut vite déboucher sur une catastrophe, c'est toute la politique -ou plutôt l'absence de politique- concernant le transport routier et le transport de marchandises en général qui conduit à une multiplication des risques.

Après l'accident du tunnel du Mont-Blanc, le ministre des Transports d'alors, Jean-Claude Gayssot, s'était engagé à développer le ferroutage pour les liaisons transalpines, notamment. Cette déclaration d'intention n'a été suivie d'aucune réalisation, ni par lui ni par ses successeurs. Entre la France et l'Italie, le ferroutage (le transport des camions sur des trains) est utilisé sur une seule voie ouverte à temps partiel et passant par le tunnel du Mont-Cenis; en 2004, 6500 poids lourds ont été acheminés par cette voie, alors que, journellement, 3098 d'entre eux empruntaient le tunnel routier du Fréjus! Quant à la construction d'une nouvelle voie ferrée Lyon-Turin, permettant le transport des voyageurs et des marchandises, elle en est encore à l'état de projet et, si jamais elle voit le jour, ce ne serait qu'en 2020. D'ici cette date, selon les estimations, le trafic des marchandises sur route aura doublé en France, augmentant en même temps les risques d'accidents graves mettant en cause les poids lourds.

Car la SNCF se désengage de plus en plus du transport des marchandises. Son "plan fret" jusqu'en 2006 conduit à supprimer les dessertes fret qu'elle juge insuffisamment rentables, avec pour conséquence plus de 200000 camions supplémentaires sur les routes, selon un responsable CGT des cheminots.

Tel est le résultat d'une politique voulue: l'État fait des économies sur les services publics et la SNCF réduit le transport de marchandises par voie ferrée, sans compter les fortes pressions exercées par tous les secteurs qui ont intérêt à privilégier les transports par la route.

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