Ils ne reculeront que si nous les faisons reculer!10/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1923.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Ils ne reculeront que si nous les faisons reculer!

Qui, parmi les travailleurs, en activité ou chômeurs, pourrait avoir la naïveté de croire Villepin lorsqu'il dit que la lutte contre le chômage sera la priorité de son gouvernement? Depuis vingt-cinq ans et plus, il n'y a pas un gouvernement qui ne promet, lors de son installation, qu'avec lui, on va voir ce qu'on va voir! Et on connaît le résultat: le chômage reste catastrophique.

La "bataille pour l'emploi" annoncée par le gouvernement sera par contre l'occasion de nouvelles attaques contre les travailleurs pour éliminer du code du travail le peu qui gêne les patrons.

Le soir même du référendum, Seillière, patron du Medef, a donné la feuille de route. Si l'on veut, a-t-il dit en substance, que les patrons embauchent un jour, il faut leur donner le droit de licencier plus facilement. En réalité, les patrons continueront à n'embaucher que s'ils en ont vraiment besoin, mais la modification du code du travail qu'ils souhaitent leur donnerait le droit de licencier les CDI aussi facilement que les intérimaires et les CDD.

C'est derrière le paravent de la "bataille pour l'emploi" qu'ils veulent obliger les chômeurs à accepter tout travail mal payé, en supprimant toute allocation chômage pour ceux qui refuseraient, par exemple, plus de deux propositions.

Et le gouvernement exécutera d'autant plus les exigences formulées par Seillière que cela lui permettra de joindre l'utile -faire ce que demande le grand patronat- à l'agréable -plaire à son électorat. Car pouvoir embaucher et licencier quand on veut, comme on veut, est le souhait de tout ce que le pays compte de patrons. Jusqu'aux plus petits des restaurateurs, des plagistes, des entrepreneurs en bâtiment, qui ont besoin de salariés pour un temps mais qui refusent toute obligation à leur égard.

Au référendum sur la Constitution giscardienne, une très grande majorité de l'électorat populaire a voté "non". À juste raison car il ne fallait pas cautionner une Constitution écrite dans l'intérêt exclusif du grand patronat. Mais ceux qui prétendent que Chirac, affaibli, devra tenir compte du mécontentement exprimé par l'électorat populaire, trompent sciemment les travailleurs.

À quel point Chirac n'a que faire de l'électorat populaire, on le voit avec le nouveau gouvernement, copie du précédent, Raffarin en moins, mais Sarkozy en plus. On le verra de plus en plus dans sa politique. La droite au pouvoir sait que, pour gagner les prochaines élections, elle a besoin de toutes les voix de sa base électorale traditionnelle. C'est cette base électorale de bourgeois petits et grands, réactionnaires, hostiles aux salariés, que le gouvernement va choyer pendant les mois qui viennent.

Il prendra à son compte une part plus grande des charges sociales. Il supprimera des emplois dans le secteur public. Il tentera de faire des économies au détriment des assurés. Il renforcera la démagogie contre les travailleurs immigrés et contre les plus pauvres. Sarkozy, au ministère de l'Intérieur, s'efforcera de montrer qu'il n'y a pas besoin de voter Le Pen pour que sa politique soit appliquée. Et, pour renflouer les caisses de l'État qui se vident en raison des cadeaux faits au grand patronat, le gouvernement continuera à privatiser ce qui peut encore l'être, comme il vient de le décider pour France Télécom.

Alors, l'espoir pour les travailleurs n'est certainement pas dans les gémissements des dirigeants de la gauche qui demandent à Chirac de tenir compte du mécontentement exprimé dans les urnes. Il n'est pas non plus dans l'attente d'une victoire hypothétique du Parti Socialiste aux prochaines élections présidentielle et législatives. Nous n'avons que trop fait l'expérience qu'il n'y a rien à attendre d'un gouvernement socialiste et surtout pas une politique favorable aux travailleurs.

Toutes illusions abandonnées, il nous reste notre propre force collective, celle d'une classe sociale qui fait marcher toute l'économie et qui a le pouvoir de tout arrêter. C'est de ce pouvoir qu'il faudra nous servir pour imposer nos exigences.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 6 juin

Partager