Villepin - Sarkozy : La raffarinade de Chirac02/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1922.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Villepin - Sarkozy : La raffarinade de Chirac

Villepin ou Sarkozy à la tête du gouvernement? On aura les deux pour le prix d'un. «L'impulsion nouvelle et forte à l'action gouvernementale» que Chirac a promise le soir du référendum après l'annonce de la victoire du «non», c'est donc ce tandem! Villepin comme Premier ministre pour éviter d'y mettre Sarkozy qui risquait, avant même l'échéance présidentielle de 2007, de disputer à Chirac le peu d'autorité qui lui reste. Sarkozy en ministre d'État pour ne pas déplaire à sa propre majorité parlementaire, aux dignitaires de son parti et, derrière eux, à l'électorat de droite.

Chirac, déconsidéré et affaibli par son échec au référendum, en est aux combinaisons parlementaires de sauvegarde. À ceci près que les manoeuvres ne se déroulent pas entre partis, mais entre clans d'une même majorité de droite qui sont en guerre ouverte. Le «bonapartisme» de De Gaulle consistait à jouer entre la droite et la gauche pour se hisser au-dessus des deux. Celui, dérisoire, de son lointain successeur consiste à jongler entre clans rivaux de sa propre majorité pour tenter de survivre politiquement en tentant de respirer entre les deux.

Dans la course présidentielle, déjà lancée, cela risque d'être aussi agité du côté de la droite que du côté du Parti Socialiste. Le «coup politique» du président n'est justement qu'un simple coup. Et même rien ne dit si ce gouvernement pourra rester uni pendant les vingt-deux mois qui restent jusqu'aux élections.

Voilà pour l'aspect politicien des choses.

Pour les travailleurs, rien n'est changé, en dehors de la satisfaction d'avoir refusé de cautionner une Constitution qui est faite contre eux. Et pas seulement parce que le nouveau gouvernement, c'est le gouvernement Chirac-Raffarin, que la majorité des électeurs a désavoué, Raffarin en moins.

Les exigences du patronat

La situation économique est morose. Pour le patronat, la seule façon de maintenir et d'augmenter les profits des entreprises et les dividendes des actionnaires, c'est de prendre aux salariés et aux classes populaires. Le soir même du référendum, Seillière a appelé à la «mise en oeuvre immédiate, accélérée, d'un programme de réformes». Après la «réforme» des retraites et celle de l'assurance maladie, on sait ce que cela signifie. Dans une émission à la radio, il vient de concrétiser ce que le grand patronat exige: «réformer» le code du travail en supprimant toute difficulté juridique devant les licenciements; renforcer ce qu'il appelle le «contrôle» sur les chômeurs en les obligeant, sous peine de sanction, à prendre n'importe quel travail à n'importe quelle condition; obliger l'État à réduire le nombre de travailleurs de la Fonction publique; faire des économies sur le dos des assurés; sans parler des projets de privatisations, celles de Gaz de France, EDF et Areva qui ont été ralenties pour la durée de la campagne électorale.

Plus personne ne peut croire Chirac quand il annonce, une fois de plus, que sa priorité est l'emploi. Les exigences brutalement formulées par Seillière expriment bien plus clairement la politique qui sera menée que ne le fera le discours d'investiture de Villepin. Non seulement, rien dans le contexte économique ne laisse penser qu'il y aura une reprise économique, mais le gouvernement ne peut même pas espérer que le patronat lui permette quelques gestes qu'il puisse présenter comme «sociaux».

La compétition entre Sarkozy et Villepin, en prévision de 2007, se jouera autour de mesures démagogiques envers l'électorat réactionnaire mais qui ne léseront surtout pas le patronat, petit et grand. Le grand parce que c'est le rôle d'un tel gouvernement. Le petit parce que c'est là que se trouve l'électorat dont ils ont besoin.

Un nouveau gouvernement... aussi réactionnaire que le précédent

La traduction politique de la victoire du «non» est donc, dans l'immédiat, ce nouveau gouvernement qui est aussi antiouvrier, aussi réactionnaire, sinon plus, que celui qu'il prolonge. Devant la nomination du tandem de Villepin-Sarkozy, le journal du Parti Communiste, L'Humanité, crie à la «provocation à l'égard de la souveraineté populaire»! La veille, il titrait «Le gouvernement qu'il (Chirac) s'apprête à désigner doit rompre avec le libéralisme»! Adjuration pitoyable!

Chirac, Sarkozy, Seillière, «rompre avec le libéralisme»? Et cela rien qu'à cause du succès même massif du «non»? Autant implorer un bouc de donner du lait!

Cette palinodie en rappelle une autre, toute récente: lorsqu'en 2002, toute la gauche réformiste, ou assimilée, après avoir apporté ses votes à Chirac sans même que celui-ci ait eu à le demander, a poussé ensuite des cris d'orfraie contre ce président qui ne respectait pas ces électeurs de gauche, dont le Parti Communiste comme le Parti Socialiste lui avaient apporté les votes sur un plateau.

La Constitution européenne a été rejetée. Et c'est tant mieux. Mais si ce rejet a affaibli Chirac et la droite au gouvernement et, par la même occasion, également la direction du Parti Socialiste, cela ne suffit pas pour autant à renforcer la classe ouvrière. Le rapport de forces ne se dessine pas dans les urnes, entre le «oui» et le «non», mais là où la classe ouvrière est forte, dans les entreprises, là où elle est directement confrontée au grand patronat. Ceux qui présentent les vessies des élections pour des lanternes qui doivent éclairer les travailleurs sont des faux amis.

Face à la droite qui, même affaiblie, continuera à mener sa politique antiouvrière, la gauche s'apprête à rejouer, en 2007, la même vieille comédie, tant répétée depuis 1981, où l'on promet aux classes populaires des changements à l'issue de la prochaine confrontation électorale pour ensuite les tromper, les trahir et, par là même, les affaiblir. Que l'acteur principal soit Hollande, Strauss-Kahn ou Fabius, que la comédie se joue sous une ancienne ou une nouvelle déclinaison de l'expression «gauche unie» ou «gauche recomposée», cela n'en changera pas le contenu.

Il ne reste que les grèves, que la lutte pour donner un coup de pied dans la fourmilière des politiciens et surtout pour obliger le grand patronat à revenir en arrière et, au-delà, sur tout ce qu'il a réussi, au fil des ans, à extorquer aux travailleurs.

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