Le PCF et les suites du référendum : «Rassembler toute la gauche»... pour faire comme d’habitude!02/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1922.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le PCF et les suites du référendum : «Rassembler toute la gauche»... pour faire comme d’habitude!

«Un grand espoir se lève aujourd'hui», «Cette victoire s'est construite dans une dynamique de rassemblement populaire qui évoque les grands moments du Front Populaire ou de Mai 68»; c'est ce que déclarait avec emphase la secrétaire du Parti Communiste Marie-George Buffet, au soir des résultats du référendum. Même si tout cela n'avait pas grand-chose à voir avec la vérité historique, cela avait l'allure d'un discours radical, mais l'allure seulement.

Car vingt-quatre heures plus tard, dans le cadre du journal télévisé de France3, la même Marie-George Buffet avait l'occasion de préciser sa pensée et les perspectives dans lesquelles les dirigeants du PCF se plaçaient. Ce qui était défendu sur tous les tons était l'union, l'union de toute la gauche, donc bien sûr avec les dirigeants du PS. À la question de savoir si le PCF faisait une ouverture au Parti Socialiste elle répondait en se disant prête «à travailler avec toutes les femmes et les hommes de gauche, avec toutes les formations», ajoutant pour ceux qui n'auraient pas compris: «Il n'y a pas de pôle de radicalité. Non, il ne faut surtout pas diviser la gauche. Il faut rassembler toute la gauche avec des socialistes, des Verts, des militants ou des électeurs de la Ligue Communiste». Bref, le PCF propose de remettre sur pied feu l'Union de la Gauche de 1981, rebaptisée «gauche plurielle» de 1997 à 2002 sous Jospin, évidemment sous la houlette du Parti Socialiste.

Pour donner un air combatif à la soumission revendiquée envers Fabius ou tout autre leader que se choisira le PS, la dirigeante du PCF a fait des allusions à Juin 36 ou Mai 68. Mais la façon dont elle voit ces deux périodes est éloquente pour l'avenir.

Car ce qui fut remarquable en Juin 1936, c'est justement que la classe ouvrière n'a pas remis son sort entre les mains du Parti Socialiste et de son chef d'alors, Léon Blum, pour arracher ce qui lui était dû. C'est par une grève spontanée qu'elle engagea la lutte, avant même que le gouvernement de Front Populaire ne fût investi. Ce furent les deux millions de grévistes qui occupèrent en masse les usines qui provoquèrent l'affolement du patronat, qui réclama lui-même que Léon Blum s'empresse de former le gouvernement, en brûlant les étapes habituelles, dans l'espoir qu'il calme les travailleurs. Blum essaya en vain d'appeler à la reprise du travail et envisagea même de faire donner la police contre l'occupation de certaines entreprises. C'est encore le patronat, qui avait conscience de la force de cette montée sociale, qui proposa des accords, espérant calmer les ouvriers avec les quarante heures et deux semaines de congés payés. Les travailleurs en lutte avaient d'autres espérances et, malgré les appels du gouvernement de Front Populaire, la grève continua. Il fallut que le PCF mette tout son poids dans la balance, lui qui n'était pas au gouvernement, en déclarant à ses militants, par la voix de Maurice Thorez, qu'il fallait «savoir terminer une grève», pour parvenir à briser le mouvement.

Quant à la «majorité de gauche» et aux gouvernements issus de la même chambre de Front Populaire, ce sont eux, une fois les travailleurs rentrés dans le rang, qui leur reprirent presque tout ce qui avait été cédé. Deux ans plus tard, en 1938, des milliers de grévistes étaient jetés en prison; un an plus tard encore, le PCF lui-même était interdit, avant que la même chambre de Front Populaire ne vote les pleins pouvoirs à Pétain et se saborde pour laisser place au régime ultra-réactionnaire de «l'État Français», à peine quatre ans après les élections «victorieuses» de 1936.

Quant aux rassemblements de Mai 68, ils se firent dans le cadre d'un mouvement spontané, des étudiants d'abord, traités «d'aventuristes manipulés» par les dirigeants du PCF, relayé par une grève générale à laquelle aucune confédération syndicale, aucun parti de gauche n'avait appelé. Après quoi, mettant fin à cette grève, le PCF et les dirigeants de la CGT appelèrent les travailleurs à reprendre le travail pour préparer les élections, qui donnèrent à la droite... la plus grande majorité de députés qu'elle ait jamais connue.

Aujourd'hui, ce qu'ambitionne le PCF, c'est simplement de retourner au gouvernement à l'occasion de la prochaine échéance électorale de 2007. C'est ainsi qu'il faut comprendre la déclaration du 29 mai qui appelle «à un vaste rassemblement politique, capable de battre les politiques libérales» et «toutes les forces de gauche à assumer cette immense responsabilité». Mais les dirigeants du PCF savent bien qu'un futur gouvernement de «toute la gauche», en réalité sous la direction du PS, sera comme à chaque fois, quoi qu'il dise, l'exécuteur des seules volontés du patronat. Préparer aujourd'hui cette issue, c'est mener les travailleurs dans une impasse.

Alors ce sont les ressorts profonds et véritables des luttes de 1936 et de 1968 qu'il s'agit de retrouver, mais pas l'interprétation purement gouvernementale et politicienne qu'en a Marie-George Buffet. Demain comme alors, face aux manoeuvres des dirigeants des partis de gauche et des syndicats, les travailleurs seront face à la nécessité de prendre directement en main et jusqu'au bout la direction de leurs luttes, s'ils veulent contraindre le patronat à satisfaire les exigences ouvrières.

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