Le Non est une gifle,mais il faudra un Juin 36 ou un Mai 6802/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1922.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Le Non est une gifle,mais il faudra un Juin 36 ou un Mai 68

Comme il était attendu et espéré dans les milieux populaires, le «non» a été largement majoritaire au référendum. Et les résultats par ville ne laissent aucun doute: ce sont surtout les villes ouvrières qui ont rejeté aussi bien la Constitution européenne que ceux qui l'ont proposée et défendue, à commencer par Chirac.

De toute façon, les deux étaient intimement liés tant Chirac, Raffarin, Sarkozy se sont engagés dans la campagne pour le «oui». Le gouvernement mène depuis trois ans une politique particulièrement rétrograde et antiouvrière. Ce n'est que justice que la Constitution qu'il patronne comme sa politique soient rejetées.

Ce n'est que justice également que la direction du Parti Socialiste porte le discrédit d'un alignement total sur la politique de la droite et de ses chefs de file. Une partie de l'électorat socialiste lui-même a trouvé difficile à avaler qu'après l'avoir appelé à voter pour Chirac en 2002, la direction du Parti Socialiste remette le couvert une fois de plus.

Du côté des dirigeants, la victoire du «non» se traduit déjà par la multiplication des manoeuvres politiques. À droite, c'est Sarkozy contre Chirac, à gauche, c'est Fabius contre Hollande, sans parler des autres.

Et qu'en est-il pour les travailleurs? Le soir même du référendum, il y a eu la satisfaction de voir à la télévision la tête déconfite des dirigeants politiques et d'entendre leurs explications emberlificotées. Le PCF mis à part, les dirigeants de tous les grands partis ayant appelé à voter «oui», le désaveu a été infligé à tous ceux qui gouvernent aujourd'hui, comme aux socialistes qui gouvernaient il y a trois ans et qui espèrent gouverner demain.

Ce désaveu pour ces dirigeants politiques ne changera cependant pas en lui-même la situation sociale. Les licenciements et les fermetures d'entreprises continueront, tant que les possesseurs de capitaux auront des raisons de penser que c'est un moyen d'augmenter leurs profits. Le pouvoir d'achat des salariés continuera de baisser et la précarité de s'aggraver. Chirac va changer de Premier ministre, mais seuls changeront les discours, pas la politique antiouvrière. Ils trouveront même le moyen de rejeter sur l'électorat populaire et sur le «non» la responsabilité des mesures d'austérité qu'ils prendront contre les salariés.

Le ministre de l'Économie, Thierry Breton, a commencé le soir même du référendum en parlant de la difficulté accrue de sa tâche dans les instances européennes. Comme si l'électorat populaire avait des raisons de faciliter son travail de représentant des intérêts patronaux!

Pour Marie-George Buffet, dirigeante du PCF, la victoire du «non» se situe «dans la dynamique de rassemblement populaire qui évoque les grands moments du Front populaire ou de mai 68». Pour elle, en juin 36, il faudrait mettre sur le même plan l'entente des partis de gauche et la vague d'occupations d'usines qui ont fait trembler le grand patronat. Mais à l'époque, le gouvernement de Front populaire a surtout servi à sauver la mise à ce grand patronat en arrêtant la grève générale.

Quant à 1968, la «dynamique de rassemblement» ne s'est pas du tout manifestée dans les urnes, dont a surgi au contraire une très forte majorité de droite, mais dans les luttes et dans la grève générale.

Pour changer le sort des travailleurs, le «non» ne changera quelque chose que s'il leur redonne espoir, au point qu'ils se donnent les moyens de se battre non seulement contre un texte de Constitution, mais contre le grand patronat en chair et en os, dans les entreprises. La course au profit, responsable du chômage et des salaires insuffisants, ne vient pas d'un texte constitutionnel mais de la mainmise des possesseurs de capitaux sur toute l'économie.

Les combinaisons politiques qui s'échafaudent aussi bien à droite qu'à gauche visent, d'une manière ou d'une autre, à désarmer les travailleurs.

Alors, le moment de joie de la soirée électorale passé, c'est de cette capacité des travailleurs à passer à l'offensive contre le patronat dont dépend notre avenir.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 30 mai

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