Chirac a perdu... mais nous n’avons pas encore gagné02/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1922.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Chirac a perdu... mais nous n’avons pas encore gagné

Le Non l'a emporté. D'assez loin dans l'électorat en général, puisqu'à 55%. D'encore plus loin dans l'électorat salarié, ouvriers et employés, d'après tous les sondages faits à la sortie des urnes ce dimanche.

Plus que sur le projet de constitution européenne, c'est sur la politique du gouvernement que la majorité de ces électeurs populaires se sont prononcés. C'est une politique qui condamne plus de 10% d'entre nous au chômage, davantage encore à la précarité, et tous à une détérioration de nos conditions de vie avec la baisse régulière des salaires réels qui a été sanctionnée.

Et si chez certains cela s'est confondu avec le projet de constitution, l'Europe en général, voire la peur ou le rejet de l'étranger, c'est parce que beaucoup de politiciens ont mélangé leur appel à voter Non à une démagogie peu ou prou xénophobe. Le Pen reprenant ses honteuses attaques contre les immigrés, de Villiers faisant campagne contre l'entrée de la Turquie ou Fabius devenu, le temps d'un vote, le champion de la lutte contre les délocalisations.

Une majorité de travailleurs a donc dit merde à Chirac. Mais cela ne veut pas dire que la minorité qui a voté Oui lui a dit merci. Ceux que leurs sentiments pro-européens ont fourvoyés en leur faisant miroiter un continent plus uni, sont sans doute tout aussi conscients que la situation du monde du travail est insupportable. Et tous sont certainement également désireux que cela change.

Ce n'est pourtant pas ce référendum qui va nous y aider.

Il va peut-être bouleverser la carrière de certains hommes politiques, aider celle de Fabius ou torpiller celle de Hollande. Mais qu'est-ce cela peut nous faire?

Qu'est-ce que cela pourrait faire même si Chirac démissionnait, comme certains le demandent? Rappelons-nous le précédent de De Gaulle lui-même en 1969. À la suite d'un référendum perdu, justement, il a abandonné la présidence. Et il a été alors remplacé par son ex-ministre Pompidou qui, bien sûr, a continué exactement la même politique. La belle affaire alors si Chirac était remplacé par Sarkozy ou même Fabius... qui furent tous deux de ses ministres, et il n'y a pas si longtemps!

D'ailleurs le président a averti par avance qu'il n'était pas question pour lui de démissionner. Au mieux il va se débarrasser de l'actuel premier ministre, sans qu'on sache au moment où nous écrivons par qui celui-là sera remplacé, de Villepin ou Sarkozy qui réclamait dès dimanche soir un renforcement des «réformes» entreprises par Raffarin. C'est-à-dire qu'un référendum qui a condamné une politique dite libérale va aboutir à mettre en place des hommes qui ont aidé à la mener et qui entendent même la durcir. S'il fallait une illustration du jeu de dupes que fut ce référendum, nous l'avons là.

Comme nous en avons une autre illustration dans le fait que les places boursières, loin de s'effrayer de la victoire du Non, jouent dès ce lundi à la hausse.

Il est vain d'attendre des urnes un réel changement durable et profond de notre sort. Au mieux peuvent-elles permettre l'expression de nos sentiments, et encore rarement d'une manière claire et non équivoque. Dans les 55% de Non, combien expriment un rejet de la politique actuelle et combien un rejet de l'Europe? De toute manière ces sentiments, les gouvernants s'assoient dessus, comme Chirac le fait en ce moment même en restant à son poste. Ou alors ils les trahissent comme la gauche l'a fait avec Mitterrand ou avec Jospin, pour ne prendre que les derniers exemple en date.

Ce sont les postiers de Bègles s'opposant par la force à leur direction qui entend supprimer de nouveaux emplois, dès la semaine dernière et sans attendre le référendum, ou les cheminots qui s'apprêtent à faire grève dès ce jeudi, qui ont raison. Pas ceux qui nous ont invités à mettre nos espoirs dans le vote de ce dimanche.

Si nous voulons vraiment que ça change, il n'y a pas trente-six chemins. Ce sera par la lutte, par la grève, dans la rue. Et surtout en ne restant pas isolés mais tous ensemble. Les patrons et les gouvernants peuvent s'asseoir sur des millions de votes. Contre des millions de travailleurs en grève ils sont impuissants.

Éditorial du lundi 30 mai 2005 des bulletins d'entreprise L'Étincelle publiés par la Fractionde Lutte Ouvrière.

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