Ne nous laissons pas berner pour un oui, pour un non12/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1919.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Ne nous laissons pas berner pour un oui, pour un non

À grands renforts d'émissions télévisées, les partisans du Oui au prochain référendum battent campagne. Président et gouvernement en tête, suivis des Jospin, Hollande et autres. Les vedettes nationales sont appelées à la rescousse: de l'Airbus 380 que Chirac est allé caresser au jour de son premier décollage, pour vanter les mérites de la construction (aéronautique) européenne, à Gérard Depardieu que le ministre des affaires étrangères a invité ce lundi à déclamer un vieux discours... de Victor Hugo!

Du coup, les sondages qui donnaient un temps le Non gagnant, en seraient à faire le yoyo. À moins que le gouvernement et ses bons amis partisans du Oui ne les triturent quelque peu...

La constitution, ce serait la paix assurée, dit Simone Veil. Celle des riches peut-être, avec une constitution où les quatre grandes puissances européennes s'arrogent la prépondérance dans les décisions aux dépens des pays les plus pauvres de l'Union.

La constitution, ce serait l'Europe sociale, dit Chirac. Pendant que des patrons, bien français, proposent à leurs licenciés des reclassements à 100euros par mois en Roumanie ou à l'Ile Maurice. Il prétend que sa constitution protègerait les ouvriers européens de la concurrence des textiles chinois. Comme si ce n'étaient pas les grands trusts français, allemands, britanniques ou italiens, ceux qui font la loi dans l'Union Européenne, et leurs homologues américains qui depuis belle lurette, constitution ou pas, investissent ou sous-traitent partout dans le monde, pour leurs profits. Alcatel, Aventis ou Alstom ont licencié massivement en France. Peugeot vient de décider 700 licenciements dans son usine d'Angleterre. IBM programme 13000 suppressions d'emplois, la plupart en Europe. Seule une résistance commune de tous les travailleurs du monde leur tiendra la dragée haute.

Point besoin de lire les 191 pages du traité reçu dans nos boites à lettres: nous connaissons trop bien les Chirac ou Jospin et n'avons pas envie de les approuver. Et, dans le monde du travail, nombreux sont ceux qui ont l'intention de voter Non, pour sanctionner la politique de Chirac et Raffarin. On les comprend.

Mais la sanction a ses ambiguïtés et ses limites. Car le petit jeu du Oui et du Non, mêle les voix de ceux qui veulent exprimer leur ras-le-bol des licenciements, du chômage, des bas salaires avec celles de partisans de Chevènement, de Villiers ou Le Pen, qui en rendant l'Europe et l'ouverture des frontières responsables de tous les maux, en absolvent le patronat.

Quant à une victoire du prétendu "Non de gauche", ce sont les Fabius, Melenchon et Emannuelli, qui comptent en tirer profit. Mais qu'ont-ils fait quand la gauche était au pouvoir et que Renault licenciait en Belgique? A-t-on entendu leur protestation quand leur gouvernement privatisait France Télécom ou Air-France? Et faudrait-il croire Marie-George Buffet quand elle nous dit qu'une victoire du Oui serait catastrophique car il serait alors à la gauche "plus difficile de mener une politique pleinement à gauche"? Mais la gauche a-t-elle mené une politique de gauche avant la constitution?

Le jeu est biaisé.

Une victoire du Oui apparaîtra comme un succès pour Chirac. Même si une partie de ceux qui diront Oui le feront malgré Chirac, parce qu'ils rêvent d'un monde sans frontière.

Une victoire du Non semblera plus vengeresse, mais ne mettra pas en soi les travailleurs en meilleure position pour se défendre.

Les gouvernements des pays européens n'ont pas attendu la nouvelle constitution pour mener de concert une même politique, s'attaquer de façon semblable et simultanée aux services publics, aux systèmes de retraites et de protections sociales, aux salaires. Ils continueront avec ou sans elle.

Y mettre un coup d'arrêt ne dépend pas des urnes, mais de nos luttes. Des luttes qui pourraient être contagieuses à travers l'Europe, tant nous sommes exploités par les mêmes patrons, victimes des mêmes attaques. Des luttes pour imposer l'alignement par le haut des salaires et conditions de travail. La seule façon de construire l'Europe des travailleurs, sans frontières, que nous voulons.

Éditorial du lundi 9 mai 2005 des bulletins d'entreprise L'Étincelle, publiés par la Fraction.

Convergences Révolutionnaires n° 39 (mai-juin 2005)
Bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Europe : la conquête de l'Est par le capital de l'Ouest, mythes, réalités et conséquences. Articles: Référendum : ne pas prendre les vessies pour des lanternes- Lycéens : la loi Fillon est passée mais une nouvelle génération est entrée en politique-Citroën : les travailleurs renouent avec la grève-SNCF : dégradations des salaires et des conditions de travail-Belgique : 104 jours de grève contre les licenciements-Irak : la démocratie... embourbée-Pays Basque : le retour électoral du courant nationaliste radical.
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