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Dans le monde
"L'indépendance" des Pays Baltes
À l'occasion du 60e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a beaucoup été question des Pays Baltes. De nombreux journalistes ont ainsi expliqué comment ces trois pays -Estonie, Lettonie, Lituanie, selon leur répartition le long de la côte orientale de la Baltique, en commençant par le nord- annexés par l'Union soviétique en 1945, auraient retrouvé leur indépendance, fin 1991, lors de la disparition de l'URSS.
Cette présentation de la période considérée omet de préciser que ces régions avaient fait partie de l'Empire tsariste, parfois depuis le 17e siècle. Jusqu'au début du 20e siècle, la France et la Grande-Bretagne, complices d'une Russie où elles avaient investi force capitaux, n'avaient jamais trouvé quoi que ce soit à redire à l'expansionnisme russe, même quand il remplaça la Suède, le Danemark et la Pologne comme puissance tutélaire des Pays Baltes.
Après la révolution d'Octobre, ces pays furent séparés de la Russie soviétique, non pas par la volonté de leurs populations, mais par la force des armées allemandes, puis franco-britanniques. En effet ces grandes puissances appuyèrent les classes possédantes du cru (les sinistres "barons baltes" d'origine allemande et russe) contre les travailleurs acquis au bolchevisme, notamment en Lettonie, où la capitale était passée entre leurs mains en 1919. Les régimes instaurés sous l'égide des puissances occidentales après 1920 devinrent rapidement des dictatures ouvertes.
En 1939, le temps de se retourner contre l'URSS en 1941, Hitler jeta en pâture à Staline un bout de Pologne et les Pays Baltes. Deux années d'occupation par le régime stalinien apportèrent de l'eau au moulin des nationalistes baltes, qui allaient soutenir l'armée allemande. En 1945, quand le Kremlin put remettre la main sur la région, la répression fut terrible.
Elle s'exerça contre les nationalistes ayant collaboré avec les nazis, mais aussi contre de larges couches d'une population soupçonnée de soutenir les nationalistes. Comme partout en URSS, la bureaucratie voulait, en frappant à l'aveugle, prévenir toute contestation en terrorisant tout le monde. Mais, dans le cas des Pays Baltes plus qu'ailleurs, le caractère odieux du régime bureaucratique, la répression, les déportations massives, y compris pour faire place à des russophones déplacés administrativement, la russification de tous les rouages institutionnels, tout cela dressa une grande partie de la population contre le régime. À la fin des années quatre-vingt, dans l'URSS de Gorbatchev, les républiques baltes furent les premières où se manifestèrent de puissants mouvements nationalistes contestataires.
Depuis la chute de l'URSS, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie indépendantes n'ont eu de cesse de pouvoir adhérer à l'OTAN et d'être intégrées à l'Union européenne, une nouvelle fois en position subordonnée à l'égard des puissances dominant le continent.