Grande-Bretagne - Les élections du 5 mai : Un désaveu pour Blair et sa politique12/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1919.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne - Les élections du 5 mai : Un désaveu pour Blair et sa politique

Blair l'a finalement emporté dans les élections législatives britanniques du 5 mai, battant du même coup le record de longévité pour un Premier ministre travailliste. Mais ce succès masque si mal le désaveu cinglant que lui a infligé l'électorat, que Blair lui-même a accusé le coup, reconnaissant devant les caméras de la télévision qu'il n'avait pas été suffisamment à l'écoute de l'électorat populaire et que la guerre en Irak avait creusé de profondes divisions dans les rangs de l'électorat travailliste.

Le Parti Travailliste obtient en effet 35,2% des voix, soit une chute de 1,5 million de voix par rapport aux élections de 2001. À l'époque déjà, 3 millions d'électeurs avaient déserté le Parti Travailliste. Mais alors qu'en 2001 ces pertes étaient dues à la montée en puissance de l'abstention, cette fois-ci elles sont dues à un transfert de voix vers d'autres partis.

Ce faisant Blair, bat un autre record: jamais dans l'histoire politique du pays un Premier ministre n'avait dû son poste à une majorité aussi faible. Le score qu'il obtient est même inférieur à celui obtenu par son parti dans bien des élections passées où il a été battu!

Si malgré tout le Parti Travailliste réussit à rafler 356 sièges au Parlement (contre 403 précédemment), soit 33 sièges de plus que la majorité absolue, c'est grâce à deux facteurs. Le premier est la dispersion des voix entre ses deux principaux rivaux -32,3% pour les conservateurs, qui n'arrivent toujours pas à surmonter le discrédit qu'ils ont hérité de leurs dix-huit années au pouvoir entre 1979 et 1997, et 22% pour les libéraux-démocrates. Le second facteur, mais le plus important, est le système du scrutin uninominal à un tour, qui a permis aux travaillistes d'obtenir un siège pour 26843 voix, alors qu'il en fallait 96484 pour les libéraux-démocrates!

De toute évidence, l'opposition à la guerre en Irak a joué un rôle important dans le désaveu infligé à Blair, même si celui-ci avait tout fait, avec l'accord tacite des autres grands partis, pour repousser cette guerre à l'arrière-plan pour la durée de la campagne. D'autant que, dans la dernière quinzaine précédant le scrutin, la presse a publié des documents secrets attestant, sans contestation possible, que Blair était déterminé à participer à l'invasion de l'Irak dès l'année 2002 et que tout ce qui a suivi à propos des "armes de destruction massive" n'a été qu'une grossière campagne d'intox destinée à faire avaler la pilule à l'opinion.

Cela explique que les principaux bénéficiaires de la dégringolade travailliste aient été les libéraux-démocrates, c'est-à-dire le seul parti qui se soit prononcé contre l'invasion de l'Irak, même si, une fois mis devant le fait accompli, il s'en est tenu à une opposition toute platonique, sous prétexte de ne rien faire qui puisse nuire aux soldats britanniques sur le terrain.

Mais l'opposition à la guerre en Irak n'explique pas tout. Alors que cette opposition touche toutes les catégories sociales de la population, c'est dans ses bastions ouvriers urbains que le Parti Travailliste a subi ses pertes les plus importantes, et cela malgré une légère baisse de l'abstention. Tout indique qu'une fraction de son électorat populaire a voulu également sanctionner Blair pour sa politique antiouvrière, ses attaques contre la retraite, la privatisation rampante des services publics et la dégradation des conditions de vie des catégories sociales les plus pauvres.

Le dépit évident qui s'affichait sur le visage des ténors travaillistes au soir du 5 mai a donné une certaine satisfaction à bien des travailleurs. Sans doute ces élections ne changeront-elles rien aux attaques du gouvernement, et encore moins à celles du patronat, et elles ne le pouvaient pas, tant les politiques proposées par les trois grands partis étaient identiques. Néanmoins, si Blair en sort vainqueur, il en sort surtout affaibli, avec le soutien d'à peine plus d'un cinquième des électeurs inscrits (21,2% exactement).

Alors peut-être cela amènera-t-il les travailleurs britanniques à réaliser que le pouvoir qu'ils ont en face d'eux est bien moins fort qu'il n'en avait l'air et qu'en usant des armes de la lutte des classes, ils pourraient faire entendre la voix qu'ils n'ont pu faire entendre à l'occasion de ces élections. En tout cas, c'est ce que l'on peut souhaiter.

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